Manger des fraises en plein décembre, quelle drôle d’idée. Mais saurez-vous attendre jusqu’en mai pour déguster ces fruits que l’on trouve désormais toute l’année ? Car la saison de la fraise, la vraie, se situe entre mai et septembre. Et même lorsque l’on respecte sa saisonnalité, la fraise est parfois peu sucrée, presque insipide, dure. La faute à des modes de production de plus en plus industrialisés.
Comment tromper la nature pour produire des fraises en hiver ?
Pour faire pousser des fraises hors-saison, les producteurs ont une recette. Les plants sont d’abord multipliés in vitro. En plein été, ils sont ensuite conservés dans de très grands frigos, qui simulent l’hiver et leurrent ainsi les fraisiers. Cela décale de plusieurs mois leur production. A l’automne, les plantes sont transportées sur le lieu de production. Les fraises y sont cultivées, hors-sol, à l’intérieur de serres chauffées, dans lesquelles des lumières reproduisent la luminosité du soleil. Et alors, les fraisiers poussent, se croyant en été. Un système ultra-énergivore. Cette culture existe en Espagne, comme l’explique le journaliste Claude-Marie Vaudrot dans son livre Des fraises en hiver. Mais aussi en Belgique, comme on peut le voir dans le documentaire La fraise : Un parfum de business.
Haro sur les fraises espagnoles
Bien avant l’arrivée des gariguettes françaises, les étals des supermarchés et des marchés s’emplissent de fraises espagnoles, andalouses en particulier. Le pays, qui cultive plus d’un quart de la production européenne, s’est en quelque sorte spécialisé dans le hors-saison et a recours à des méthodes qui laissent très fortement à désirer :
- Les fraises parcourent jusqu’à 3000 kilomètres en camion pour arriver dans nos assiettes.
- Les cultivateurs utilisent des pesticides interdits, comme le bromure de méthyle ou de l’endosulfan. Dans les immenses décharges à proximité, on retrouve des tas de bidons vides qui déversent leurs dernières gouttes dans les sols et les nappes souterraines.
- Ces exploitants emploient une main d’oeuvre sous-payée, souvent étrangère, dans des conditions ultra précaires.
- Sur les 6000 hectares cultivés en Andalousie, environ une centaine empiète, de manière illégale sur le parc national de Doñana, près du delta du Guadalquivir, vaste réserve d’oiseaux migrateurs et nicheurs. Selon un responsable de WWF, 200 à 400 fermes illégales seraient en activité dans la région.
- Ces cultures, gourmandes en eau, sont alimentées par des forages, eux aussi souvent illégaux (la moitié environ), selon Claude-Marie Vaudrot. « Et les quatre cinquièmes tirent plus d’eau qu’ils ne sont autorisés à le faire […] La réglementation régionale est mal appliquée – il ne faut pas fâcher les producteurs-, ce qui transforme progressivement en savane aride une partie de cette région d’Andalousie, assèche quelques rivières plusieurs mois par an, entraîne l’exode des oiseaux migrateurs et la disparition des derniers lynx pardelle », explique-t-il dans son livre
Quid des fraises françaises ?
En France, les fameuses gariguettes et leurs consœurs, qui colonisent les marchés à partir du mois de mars, relèvent aussi de la production hors-saison. Et la plupart sont cultivées hors-sol, ou plutôt en « jardin suspendu », comme on appelle, bien plus joliment, la pratique dans la profession. « La fraise d’aujourd’hui est de meilleure qualité que celle d’avant. Elle n’est plus abîmée par la pluie. On maîtrise l’irrigation, la lumière, la croissance. Pour rien au monde, on ne reviendrait à la pleine terre. Les conditions de travail sont trop pénibles et les quantités trop faibles », défend un producteur de Plougastel dans La Croix. Ces fraises ne peuvent être certifiées bio, car elles n’ont pas de lien avec le sol, un critère pour Ecocert. Par contre, les serres cultivées en terre, dans des serres chauffées peuvent prétendre au label, ce que dénonce fortement la Fédération nationale d’agriculture biologique.
Comment bien choisir ses fraises
- N’achetez plus de fraises avant mai ou après septembre.
- Préférez les fraises françaises.
- Privilégiez les bio.
- Si vous connaissez le cultivateur et ses méthodes de production, c’est encore mieux.
Notre pouvoir alimentaire est dans notre assiette ! Alors, utilisons-le !
Bien dit Milaret. Merci pour votre commentaire.