Écocide… Avez-vous déjà entendu parler de ce mot ? Mi-décembre, il s’est invité dans l’actualité car des députés socialistes ont déposé une proposition de loi visant à faire reconnaître le crime d’écocide. Littéralement, le mot signifie « tuer la maison » (de « Eco » la maison en grec, et « cide », provient d’occidere, tuer en latin).
Le terme a été utilisé pour la première fois en 1966, pour qualifier les dégâts causés par l’agent orange, un défoliant utilisé par les États-Unis lors de la guerre du Vietnam. Les élus l’ont défini plus précisément : il s’agit d’une « action concertée et délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, irréversibles et irréparables à un écosystème, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter ». L’Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi.
L’initiative citoyenne européenne (ICE) End Ecocide on Earth (« arrêtons l’écocide de la planète ») – qui a été consultée pour rédiger la proposition de loi – travaille depuis des années à la conceptualisation de l’écocide dans le domaine du droit. Ainsi, la juriste en droit international Valérie Cabanes, cofondatrice de Notre affaire à tous et membre du mouvement End Ecocide on Earth précise sur son blog : « Nul besoin de prouver l’intention de nuire à la nature. Si on reste sur une lecture intentionnelle, on ne pourra jamais poursuivre personne : aucun chef d’entreprise ne dira qu’il a foré le sol dans le but de nuire à la nature. Condamner un écocide, même non intentionnel, permet de mettre en place un vrai principe de précaution, universel et contraignant. »
Ainsi, c’est la connaissance des conséquences qui lui importe, plus que l’intention de nuire. Or, les groupes pétroliers et autres industries fossiles connaissent bien leur impact sur la crise climatique.
Un arsenal juridique existe déjà mais il est limité
Dans leur texte, les députés font référence à la catastrophe du naufrage du pétrolier Erika en 1999. Conséquences : 400 km de côtes polluées, 200 000 oiseaux disparus et des milliers de tonnes de fioul directement déversés dans l’océan. Et précisent :
« En 2006, l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) estimait le préjudice écologique à 371,5 millions d’euros tout en précisant qu’il s’agissait d’une « estimation basse ». Plus récemment, Vinci a reconnu avoir déversé de l’eau bétonnée directement dans la Seine. Quel est le montant de l’amende maximale prévu par la loi française pour ces deux actes considérablement dommageables ? 375 000 euros. »
Leur proposition prévoyait une peine de vingt ans de réclusion criminelle et 10 000 000 euros d’amende ou, dans le cas d’une entreprise, de 20 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent.
Si c’est rapé pour cette fois, les écologistes ne lâchent pas l’affaire. Et les choses avancent : à la mi-novembre 2019, le pape François a « officialisé » le concept d’écocide au sein de l’Église catholique.
Crédit photo : En Amazonie équatorienne, Chevron- Texaco a déversé des tonnes de pétrole dans la nature pendant des années. Flickr / Rainforest Action Network