Zinc, uranium, arsenic, hydrocarbures… En France, 200 ans d’activité industrielle ont laissé des traces. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), il y aurait entre 300 000 et 400 000 sites potentiellement pollués, soit approximativement 100 000 hectares. Les plantes dépolluantes pourraient jouer un grand rôle.
Après un accident industriel ou des années de traitements de cultures, les sols peuvent devenir des friches inutilisables. Or le sol est un écosystème à part entière : environ 25 % des espèces animales et végétales y habitent ou y passent une grande partie de leur vie. Comment restaurer ces sols ? Une technique, développée par les chercheurs en biotechnologie végétale, séduit de plus en plus : la phytorestauration, une technique douce de guérison des sols par les plantes.
La phytorestauration, c’est quoi ?
Certaines plantes – comme les saules, les peupliers, les tournesols… – peuvent absorber la toxicité de polluants ou de métaux et radioéléments présents dans les sols. Pour cela, elles ont bien des armes : elles les stockent, les transforment, les dégradent, les concentrent, etc. On peut ensuite utiliser la biomasse produite pour des usages non alimentaires : elle peut nourrir des méthaniseurs et ainsi créer du gaz, ou produire du biocarburant. Concrètement, trois techniques se détachent :
- La phytostabilisation : il ne s’agit pas d’une technique de dépollution mais d’une manière de stabiliser les polluants pour réduire leur mobilité et éviter qu’ils remontent à la surface et soient lessivés par exemple.
- La phytoextraction : la plante accumule les polluants dans ses parties aériennes récoltables.
- La phytodégradation : elle accélère la dégradation des polluants organiques, tels que les hydrocarbures par exemple.
On s’en sert en France ?
Plusieurs acteurs utilisent cette technique en France. La start up lyonnaise Biomédé, créée en 2018, s’occupe ainsi de dépolluer les sols de viticultures trop gorgés de cuivre. Ce dernier est utilisé en agriculture bio pour empêcher le mildiou.
L’un des projets les plus aboutis développés en France se trouve dans le département du Gard. C’est là que se trouvait la plus grande mine de zinc d’Europe, le gisement des Malines, fermée au début des années 90. Depuis, une poussière chargée de métaux lourds extrêmement toxiques volette ici et là, ruisselle jusqu’à la rivière locale… Pour se débarrasser du problème, vive les plantes dites « hyperaccumulatrices ». « Chaque espèce a sa “spécialité” », explique la chercheuse au CNRS Claude Grison au média Reporterre. La poudre de racine de menthe est ainsi « spécialiste » du zinc, la Renouée, elle, est tolérante au fer… « La pollution n’est pas une fatalité, on peut transformer un cercle infernal en démarche positive, continue Claude Grison. Avec les filtres végétaux, on a une solution naturelle, sans aucun impact environnemental. »
Que deviennent ces plantes polluées ?
À une quarantaine de kilomètres de Lille, l’exploitation industrielle de l’usine Métaleurop de 1881 à 2003 a laissé des traces : une terrible contamination au plomb, zinc et cadmium par l’ancienne fonderie. Le projet ? Se servir du miscanthus, une plante à rhizomes, pour dépolluer les parcelles agricoles. Francis Douay, chercheur à l’ISA Lille, détaille à Bastamag les vertus du miscanthus : « C’est une plante qui accumule peu de polluants dans les parties aériennes récoltées, sans besoin d’apports fertilisants, adaptée au climat et qui peut servir pour produire du chauffage ou de l’électricité, des litières pour les animaux, de paillis, des fibres pour l’écoconstruction, du bioéthanol…. »
Dans d’autres cas, les plantes polluées sont brûlées. Grâce à des filtres efficaces, elles ne diffusent pas les polluants dans l’air. Pour le projet gardois, on utilise des plantes pleins de métaux en cosmétique ou en pharmacie. Ces secteurs ont besoin, par exemple, de zinc pour catalyser des réactions chimiques. On appelle cela des « éco-catalyseurs ».
Si la phytoremédiation est prometteuse, elle reste émergente : selon l’Ademe, seul 0,3 % des volumes de terres traitées pour dépollution en 2010 le sont par phytoremédiation. « Avec ces techniques, nous ne faisons pas de la dépollution, contrairement à ce qui est souvent dit dans les médias, mais de la gestion du risque par la maîtrise des impacts », tient à préciser dans Bastamag Frédérique Cadière, du département Friches urbaines et sites pollués de l’Ademe. L’enjeu est de limiter les transferts des contaminants dans l’environnement et, en suivant la chaîne alimentaire, vers les herbivores. » Ainsi, les experts s’accordent sur un point. Certes, ces techniques sont douces, elles n’en restent pas moins longues à mettre en place. L’idéal est, bien sûr, de limiter absolument les pollutions…
La nature a vraiment des ressources inestimables.
J’espère seulement que ce seront les pollueurs qui seront les payeurs du coût de la restauration…
C’est vrai Duhem. Merci pour cette remarque.