Comment saboter un pipeline. Tel est le titre – éloquent ! – du livre d’Andreas Malm (aux éditions La Fabrique, 2020), maître de conférences en géographie humaine en Suède et militant pour le climat. Si vous souhaitez réellement saboter un oléoduc, vous serez déçu, il ne donne pas de mode d’emploi. Enfin si : celui d’une insurrection climatique.
Car les classes dirigeantes « ne sont pas troublées par l’odeur des arbres en flamme. Elles ne s’inquiètent pas à la vue des îles qui sombrent ; elles ne fuient pas le grondement de l’ouragan qui approche ; leurs doigts n’ont jamais touché les tiges des moissons flétries. » Bref, elles n’entendent pas les « signaux ». Et ce malgré les marches, les pièces de théâtre, les pétitions, les revendications… « A quel moment nous déciderons nous à passer au stade supérieur ?» s’interroge le militant.
Plus clairement, il s’agirait d’« endommager et détruire les nouveaux dispositifs émetteurs de CO2. Les mettre hors service, les démonter, les démolir, les incendier, les faire exploser. » Du genre ? Eh bien les sources d’émissions, si proches de nous ! Les stations-service ou les SUV qui peuplent nos rues…
De mystérieux activistes dégonflent des pneus de SUV…
Si les actes de sabotage restent minoritaires, ils existent pourtant. Tout récemment, fin 2021, des militants ont saboté des engins de chantier sur le site de construction du futur entrepôt Amazon à Moult, au sud-est de Caen, dans le Calvados (motif : la gloutonnerie en terres agricoles de la multinationale). De plus en plus fréquemment, des antennes 5G sont brûlées (l’un des motifs : elles sont énergivores). De mystérieux activistes dégonflent des pneus de SUV (motif : ils sont très polluants).
Et ces exemples sont loin d’être nouveaux ! On oublie trop souvent que les victoires du passé ont été obtenues grâce à des actions peu pacifiques. Au risque que leurs auteurs se retrouvent condamnés à de lourdes peines en justice.
Prenez les suffragettes, qui ont permis aux femmes d’obtenir le droit de vote : elles ont « attaqué la sacro-sainte propriété privée, brisant les vitrines, incendiant quelques riches cottages, dévastant les terrains de golf ou les jardins botaniques royaux », rappelle le Monde diplomatique. Elles se sont surtout… formées au jujitsu.
Pour conclure, on ne peut évoquer le sabotage sans rendre hommage à la papesse de l’écoféminisme, Françoise d’Eaubonne. L’autrice du Féminisme ou la mort, fervente écologiste, avait tout simplement attaqué à la dynamite, en 1975, la pompe du circuit hydraulique de la centrale nucléaire en construction de Fessenheim. « Elle appelait cela la « contre violence » : une réaction à la violence d’État qui reste sourde aux oppositions», résume sa biographe, Élise Thiébaut.