Quels sont les critères importants à avoir en tête pour moins polluer avec sa voiture ? Par quoi commencer et est-ce que cela dépend uniquement de moi ? Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports, revient sur l’importance des pas à faire, en expliquant plusieurs étapes possibles.
Pourquoi est-il nécessaire d’effectuer une transition écologique au niveau des transports ?
Parce qu’on va devoir se séparer du pétrole dans les transports terrestres, notamment pour des raisons climatiques. La France s’est d’ailleurs fixée dans sa Stratégie nationale bas carbone [feuille de route du pays pour lutter contre le changement climatique, ndlr] l’objectif de n’avoir plus du tout de pétrole dans les voitures, les poids lourds, les véhicules utilitaires, les bus ou les deux roues motorisés d’ici à 2050. Donc ça fait beaucoup de changements à anticiper, d’autant que le pétrole représente actuellement 90 % des consommations d’énergie dans le secteur. Se passer du pétrole, c’est important pour des raisons climatiques, mais aussi pour moins dépendre d’autres pays, être moins soumis à des fluctuations économiques et parce que la ressource est limitée. Il est aussi nécessaire d’effectuer une transition au niveau des transports pour des questions de pollution de l’air, d’impact de la place des véhicules dans l’espace public, pour avoir moins d’accidents, pour remédier au problème de la sédentarité…
Qu’est-il possible de mettre en place à une échelle individuelle ?
On peut recommander les cinq leviers de transition cités par la Stratégie nationale bas carbone. Il s’agit dans un premier temps de modérer le nombre de kilomètres parcourus en essayant de mener une vie dans un rayon plus limité, de faire des voyages moins lointains. Ensuite il faut se tourner vers des transports moins polluants, qui consomment moins d’énergie et moins de ressources. Sur les courtes distances, il faut essayer d’éviter la voiture et de privilégier autant que possible la marche, le vélo ou les transports en commun. Sur les longues distances, il faut éviter l’avion et prioriser le train. Le troisième levier, si jamais on utilise la voiture, c’est de la remplir au maximum, en partageant les trajets, en faisant du covoiturage. Pour finir, il faut se tourner vers des véhicules beaucoup plus sobres en énergie. Ça passe par le choix de moteurs plus efficaces, de véhicules plus légers, moins puissants. À rebours des SUV qu’on trouve partout actuellement. Et plus un véhicule est sobre, moins il est coûteux. Enfin, le cinquième levier concerne la décarbonation de l’énergie, en se passant du pétrole pour se tourner vers des énergies moins émettrices, en particulier l’électrique décarboné pour la mobilité des voyageurs.
Que peuvent faire les habitants des zones rurales, qui ont plus de difficultés pour se séparer de la voiture ?
Effectivement, pour les personnes habitant en zone rurale, c’est plus compliqué. Il faut voir ce qu’il est possible d’appliquer parmi les cinq leviers dont on vient de parler. Les personnes habitant en zone rurale peuvent également se tourner vers des véhicules intermédiaires, entre le vélo et la voiture : des véhicules électriques très légers comme la Citroën AMI ou la Renault Twizy, des vélos à assistance électrique (VAE) évidemment, ou le « speed pedelec », une sorte de VAE qui peut monter jusqu’à 45km/h. Parce que même dans ces territoires dépendants à la voiture, il n’y a pas forcément besoin d’avoir une voiture de cinq places capable de rouler à 180 km/h. Après, pour les trajets plus lointains, il est certain qu’il faut développer des usages plus partagés de la voiture (covoiturage, autopartage) ou des alternatives comme les transports en commun. Là cela ne dépend plus uniquement de la personne, comme la plupart des leviers d’ailleurs.
Quels changements peuvent actionner rapidement les pouvoirs publics ?
Ils doivent faciliter la mise en œuvre des cinq leviers. C’est à eux de mettre en place les infrastructures qui permettent leur développement. Cela peut passer par une fiscalité incitative, pour aider les citoyens au changement de comportement. Il pourrait y avoir plus de subventions au passage à l’électrique, en particulier pour les vélos. Aujourd’hui, l’aide pour les voitures électriques s’élève à 6 000 euros alors que celle pour les vélos à assistance électrique est bien plus faible et conditionnée à un niveau de revenus. La taxe sur le poids des véhicules pourrait aussi être relevée : la Convention citoyenne pour le climat avait défini un seuil qui a été largement rabaissé et qui ne s’applique qu’à 2 à 3 % des véhicules aujourd’hui… Du côté des transports en commun, il faut faire plus, tout en ciblant les zones où c’est le plus pertinent : mailler les axes périphériques, en mettre sur les routes qui mènent au centre des grandes métropoles. Tout en veillant à une qualité de service suffisante, sur la fréquence par exemple, pour que cela incite vraiment au changement, ou en imaginant la connexion avec d’autres modes de transport pour aller à l’arrêt ou à la station.