À trois, ils ont décidé de venir bouleverser les chantiers de BTP. En mettant dans les mains des ouvriers leur application, Cycle Zero, pour recenser tous les matériaux qui pourraient connaître une deuxième vie, puis en partageant ces trésors avec des particuliers ou des associations désireux de s’équiper.
À 34 ans, l’architecte Karima Lebsir estime se trouver au bon endroit pour « donner du sens à son métier ». L’application, elle l’a mise sur pied avec Selim Zouaoui, camarade de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette, et Jules Loubaresse, designer et développeur.
Lancée en septembre 2022, Cycle Zero a connu un véritable engouement grâce à une bonne couverture médiatique. Aujourd’hui, plus de 120 000 personnes sont inscrites dans toute la France, mais Cycle Zero n’intervient pour l’instant que sur des chantiers en Île-de-France et dans les Hauts-de-France, avant d’aller voir au-delà où les besoins sont les mêmes. Trépignant d’impatience pour trouver les moyens de le faire, comme nous l’a raconté Karima Lebsir, qui nous explique le fonctionnement de l’application.
Quel constat a donné lieu à la création de Cycle Zero ?
Selim et moi, en tant qu’architectes, nous avons constaté un gaspillage impressionnant de matériaux de qualité sur les chantiers. Le secteur de la construction génère 69 % des déchets en France. Lors de notre formation, nous avions déjà choisi de nous concentrer sur le réemploi, la rénovation et l’économie circulaire. L’idée, c’était de se demander : comment faire pour que le déchet devienne une ressource ? C’est comme ça que nous avons eu l’idée de créer Cycle Zero, une plateforme qui vise à massifier le réemploi des matériaux de construction tout en faisant un geste social.
En quoi votre démarche est-elle aussi sociale ?
En France, il y a plus d’1 million de chantiers de particuliers. Face à l’inflation des matériaux, on s’est dit qu’on pouvait aider certaines personnes en leur permettant d’accéder à ce gisement de matériaux. Notre idée, c’est de massifier cette démarche. De faire rentrer des particuliers sur les chantiers.
Pour moi, il n’y a pas d’action environnementale sans action sociale. La plupart des personnes qui viennent sur les chantiers vivent avec peu de moyens. Il y a celles qui viennent chercher du double vitrage parce qu’elles n’en avaient toujours pas, ou celles qui viennent chercher des chauffages parce qu’elles ne s’étaient pas chauffées depuis un an. On reçoit aussi de plus en plus des demandes de la part d’associations, qu’on essaye de privilégier.
Pour récupérer des matériaux, comment ça marche ?
La plateforme met à disposition des annonces de matériaux dans un rayon de 100 km par rapport à l’endroit où l’utilisateur est géolocalisé. On tient à cette géolocalisation, car on n’a pas envie que des gens traversent des régions voire la France pour récupérer des matériaux, ce qui annulerait le geste écologique en raison de l’impact des transports utilisés.
Une fois un matériau repéré, les utilisateurs peuvent le réserver. Puis on leur donne rendez-vous sur le chantier. Sur place, il y a toujours une personne de l’équipe de Cycle Zero. C’est elle qui s’est occupée en amont de vérifier l’état des matériaux : s’ils fonctionnent bien, s’ils ne sont pas abîmés, s’ils ne sont pas énergivore…
Les chantiers sont-ils facilement convaincus par votre démarche ?
Avant de lancer Cycle Zero, on avait fait une enquête de terrain de six mois. Cela nous a permis de créer l’outil avec les ouvriers sur place. Sur les chantiers, il y a souvent des difficultés de planning ou de coût. Il fallait donc que ce soit simple à prendre en main.
Sur quel modèle économique repose Cycle Zero ?
C’est difficile… Nous avons essayé d’obtenir des subventions de l’Ademe. Mais on nous a répondu qu’on ne finançait plus des solutions comme la nôtre… Actuellement, nous sommes en train de rencontrer des fonds d’investissement à impact qui comprennent notre mission sociale et environnementale. On croise fort les doigts ! Car la solution est là, elle fonctionne, on reçoit une dizaine de CV par semaine, mais nous avons besoin d’argent pour recruter et envoyer plus de personnes sur les chantiers, pour élargir notre présence.
super initiative !