Le poulet du dimanche que nous mangeons n’est pas tout-à-fait le même que celui que nos grand-parents servaient. Et nos poules sont devenues bien plus productives, se transformant en super-pondeuses. En un peu plus de 70 ans, la taille moyenne d’un poulet de chair a quadruplé, selon une étude de l’Université d’Alberta au Canada. Les fragiles volailles sont devenus de gros poulets ! A 56 jours, un poulet pesait environ 900g en 1940. Actuellement, il pèse 4 kg.
Tout ce poids est pris à la vitesse de l’éclair : on abat aujourd’hui un poulet au bout de 40 jours. A l’époque, il fallait attendre 4 mois. Et tout cela nous coûte moins cher.
Coeurs fragiles et maladies
Comment est-on parvenu à un tel résultat ? Grâce à un concours organisé aux Etats-Unis, au sortir de la seconde guerre mondiale. Le but ? Fournir à une population en plein boom des protéines bon marché tout en développant le secteur de l’industrie agro-alimentaire. La majorité de nos poulets actuels sont ainsi issus de cette sélection génétique poussée depuis 1946.
A cette sélection génétique s’ajoute un traitement spécifique pour favoriser leur croissance rapide. Les volailles sont nourries avec des aliments riches en protéines, comme le maïs et le soja, 23 heures par jour environ. Un système lumineux interrompt leur cycle de sommeil.
Cela ne se fait pas sans mal : nos gros poulets d’élevage ont un coeur et des pattes fragiles à cause de leur poids, et souffrent de nombreuses maladies. Richard Thomas, spécialiste de l’archéologie avicole à l’Université de Leicester au Royaume-Uni, affirme qu’en dehors de cet environnement contrôlé, ces oiseaux ne survivraient pas. Ils sont génétiquement prédisposés à s’appuyer sur la technologie agricole. « Il n’y a rien de normal pour ces animaux. Les questions éthiques sont énormes. Vous faites grandir un autre être vivant juste pour le tuer, pour votre propre consommation. »
200 000 poulets dans une ferme bretonne
Ces volailles obèses en un rien de temps ont conquis le monde et nos assiettes. En France, chaque année, environ 800 millions de poulets sont abattus ; 83 % d’entre eux n’ont jamais accès à l’extérieur. En moyenne, les Français consomment 17,4 kilos de viande de poulet par an et par personne, le plus souvent dans des plats préparés, des sandwichs, du fast-food, etc.
Pour répondre à cette demande, les élevages s’agrandissent. Ainsi, dans le Morbihan, une ferme-usine élèvera bientôt près de 200 000 poulets (contre 40 000 actuellement). Il y aura entre 25 et 35 poulets par m2, ce qui représente moins d’une feuille A4 par poulet. Et bien sûr, aucun accès au plein air.
Poules productives
Si les poulets ont grossi, les poules sont devenues de super-pondeuses : la petite poule rousse, qu’on considère comme LA poule traditionnelle, ponds jusqu’à 320 œufs par an. C’est 2 fois plus qu’en 1950, où les meilleures races de pondeuses arboraient des moyennes de 160 à 180 œufs par an.
Pour atteindre ce cap, ces volatiles ont été transformés dans les années 60 pour ne plus couver ni muer normalement. Quelques chiffres très parlants illustrent l’étendue de ce marché lucratif : 111 milliards d’œufs ont été produits en Europe en 2016, dont 15 milliards en France.
En rédigeant cet article, j’ai commencé à regarder mon poulet rôti d’un autre œil. Mais que puis-je faire ? Préférer le bio et les élevages en plein air, que ce soit pour les œufs (ici des conseils pour bien choisir) ou les poulets (voir notre guide du bon poulet) ou opter pour des protéines végétales.