Imaginez-vous dans une forêt. Écoutez. Entendez-vous ce rouge-gorge ? Et cette fauvette à tête noire ? Plus rare, percevez-vous le chant de ce pic tridactyle ? Tendez bien l’oreille. Et peut-être distinguerez-vous aussi le lointain écho d’une voiture, voire d’un avion.
Ecouter les forêts, c’est toute l’ambition de Sonosylva. Lancé en 2024, ce projet est porté par l’Office français de la biodiversité et le Muséum national d’histoire naturelle, et conduit par des chercheurs du CNRS. Son but : Etablir un spectre complet des espèces animales vivant en forêt, à partir de leur niveau sonore.
Pour ce faire,101 magnétophones ont été installés. Un dans chacune des forêts protégées de France. De mars à septembre, ces magnétophones vont enregistrer une minute de sons par quart d’heure, un jour sur deux. Et ce, pendant trois ans (de 2024 à 2026).
Enregistrer la biodiversité
Oiseaux, mammifères, insectes… c’est toute la biodiversité animale de la forêt que capturent ces micros. Ces enregistrements « permettent de dépasser les observations très informatives mais souvent ponctuelles des inventaires classiques de la biodiversité », explique Jérôme Sueur, l’initiateur du projet, dans CNRS Le Journal. Ils « offrent des possibilités de suivi rigoureux des écosystèmes sur un temps plus long et des territoires plus vastes. Non invasifs, ils offrent également la possibilité d’observer sans perturber le milieu ni capturer aucune espèce. »
Ce chercheur de l’Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité est un des pionniers de l’éco-acoustique en France. Une science qui s’intéresse donc aux écosystèmes et leur évolution, à travers le prisme des sons. Il a déjà éprouvé sa méthode d’enregistrement au coeur du parc naturel régional du Haut-Jura. Un programme similaire y a été lancé il y a cinq ans. Et devrait se poursuivre encore dix ans.
Une pollution sonore encore sous-évaluée
Cette forêt a la particularité de posséder une très riche biodiversité. Elle abrite notamment lynx, grand tétras, ou encore gélinottes des bois. Mais au coeur du massif forestier du Risoux, Jérome Sueur et son équipe n’ont pas entendu que des animaux. Dans ce paysage forestier pourtant très préservé, les bruits liés aux activités de l’homme sont également bien présents. Tronçonneuse, circulation automobile, ski… Les bruits d’avion sont étonnement présents. La faute à la proximité des aéroports de Genève (environ 60 km) et de Lyon (environ 120 km). Ils ont été détecté « sur 75 % des fichiers enregistrés sur un an en 2019 », souligne le CNRS.
Le projet Sonosylva a ainsi un deuxième objectif. Évaluer le niveau de pollution sonore d’origine humaine et son impact sur ces écosystèmes. Plusieurs études ont en effet démontré que des niveaux sonores élevés pouvaient perturber le comportement de nombreux animaux urbains, tels que les oiseaux, les grenouilles et les insectes, ainsi que la communication acoustique dont ils dépendent pour leur survie.