L’autonomie alimentaire est sur toutes les lèvres. Récemment, mi juillet, le Premier ministre Jean Castex a insisté sur la nécessité des « circuits courts » et de l’ « alimentation locale » lors de sa déclaration de politique générale devant les députés. Pendant le confinement, les fermetures de frontières et les queues dans les supermarchés ont, elles aussi, remis l’autonomie alimentaire au goût du jour. « Il n’y a pas eu de pénurie, ou très peu, mais les gens ont eu peur de cela. C’est comme s’ils s’étaient rendu compte de la fragilité de nos approvisionnements… D’où une prise de conscience de l’importance d’avoir une alimentation plus locale », analyse dans Le Monde Yuna Chiffoleau, chercheuse à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
Sur le terrain, et notamment dans les petites communes, certains se sont déjà emparés du sujet. A Dompierre-sur-Yon, en Vendée, un collectif citoyen local baptisé Un coquelicot entre les dents réunit une soixantaine d’habitants qui ont transformé un terrain communal en verger, suivant les principes de la permaculture. Depuis le confinement, le collectif s’est entendu avec la mairie et a réussi à créer, en plus, un jardin communal solidaire sur une nouvelle parcelle de 5.000 m2. L’énergie est là ! La mairie a mis à disposition du projet un salarié à mi-temps pour le maraîchage, épaulé par des bénévoles.
« D’autres communes auraient pu faire le choix d’urbaniser mais il nous a paru évident qu’il fallait sur ce terrain facile d’accès, de créer une régie municipale, un jardin potager, solidaire » , explique à France 3 Philippe Gaboriau, le maire de Dompierre. Objectif : que cette production locale et bio – pommes de terre, carottes, poireaux, betteraves, concombres, courgettes… – bénéficie avant tout aux plus précaires, grâce à un partenariat avec le centre communal d’action sociale.
« Plus de la moitié d’entre nous n’avaient jamais planté un arbre ! »
« Nous avons repéré sur la commune d’autres terrains idéaux pour planter des arbres fruitiers », souligne Fabien Lourenço, membre d’Un coquelicot entre les dents, interrogé par Mediapart. Pour ce cadre de l’industrie robotique, « l’idée est de se mettre en action, et de faire les choses ensemble. Avoir planté 80 arbres a permis de montrer que c’était possible. Plus de la moitié d’entre nous n’avaient jamais planté un arbre ! Maintenant, il s’agit de montrer qu’un territoire peut nourrir les gens qui l’habitent.
Comme le rappelle Stéphane Linou, pionnier du locavorisme en France, sur sa page facebook :
C’était jusque-là ce que faisaient les gouvernements en temps de guerre. En 1916, le ministère français de l’Agriculture avait lancé un vaste programme pour encourager la création de jardins potagers. C’est la « Ligue française du coin de terre et du foyer », gestionnaire des jardins ouvriers français, qui était chargée de distribuer des semences et des outils de jardinage. Le nombre de potagers doublera entre 1912 et 1920.
« L’idée n’est pas de passer au 100 % local ! »
Attention tout de même à ne pas faire rimer autonomie alimentaire et repli sur soi, ou croire que la solution ne réside que dans les territoires ruraux.
« Il faut rééquilibrer le système vers plus de proximité, mais l’idée n’est pas de passer au 100 % local ! Sinon, on serait tout aussi vulnérables, par exemple en cas d’inondation, ou d’épidémie dans les cultures d’une région, estime Yuna Chiffoleau dans le Monde. Il faut construire une complémentarité, par exemple en montant un partenariat entre Paris et la Creuse pour l’approvisionnement en viande. On passe alors de dépendances subies à des interdépendances maîtrisées. »