Plantée dans la terre, une petite pancarte : “Nourriture à partager ! Servez-vous, c’est gratuit”. Il paraît tout bête, le mouvement des Incroyables Comestibles : plantez, jardinez puis laissez les gens se servir. Les rues s’ornent alors de grands bacs où poussent fruits et légumes, toujours agrémentés de la fameuse pancarte. Cette belle initiative a déjà des galons. Né en 2008 à Todmorden, ville anglaise ravagée par la crise, le mouvement repose sur une proposition séduisante : Pourquoi ne pas réinvestir les espaces urbains et en tirer sa nourriture? Pas petits joueurs, les habitants en sont aujourd’hui à 83% d’autosuffisance alimentaire. Le mouvement a essaimé partout dans le monde (regardez la carte). Et notamment en France, grâce à un Alsacien.
Aujourd’hui, plus d’une centaine de groupes ont été créés en France, tous plus ou moins rassemblés sur le site et la page facebook du mouvement. On y voit une succession de photos d’habitants qui prennent la pose devant l’entrée de leur ville, comme conseillé par le mode d’emploi.
« L’idée est à la fois novatrice et toute simple », sourit Audrey. A 38 ans, elle, et d’autres, ont planté leurs premiers fruits, légumes et aromates, il y a à peine un mois. Les Incroyables Comestibles de l’Artois (dans le Nord) sont nés, et rassemblent les villes de Béthune, Bruay, Beuvry, Vendin, Haillicourt, Arras… et bientôt bien d’autres. « Ce qui me plait, c’est d’abord le côté partage, le lien social et puis évidement la réappropriation de son alimentation et l’idée du retour à la terre. » Aujourd’hui, près de quinze familles se sont lancées dans l’Artois, en plein bassin minier, particulièrement touché par la crise.
Et pas besoin d’avoir des hectares à gogo : Audrey et sa famille, qui vivent en centre-ville dans une maison mitoyenne typique du Nord de la France, ont mis une jardinière à leur balcon en libre-service. « Au début, il y avait énormément de gens qui s’arrêtaient, étonnés, sans rien toucher. » Une jardinière sans fleurs, avec de la nourrriture en partage? « C’est pas banal, c’est une démarche tellement alternative… Mais maintenant que les fraises rougissent, elles disparaissent vite ! » D’autres familles, avec plus d’espace, proposent des salades, pommes de terre etc.
Audrey, son mari et leurs deux enfants, se sont vite pris au jeu. Après la jardinière, eux qui n’avaient jamais fait pousser quoique ce soit, ont investi leur tout petit jardin. « Je suis très sensible à l’écologie, mais le jardinage était mon point faible. Je ne pensais pas avoir la main verte. On a tout fait dans la foulée : des courgettes, des radis, des salades… »
Le mouvement s’est implanté début mai dans l’Artois, et on voit les villes se végétaliser un peu plus chaque jour.