La population mondiale atteindra près de 10 milliards de personnes en 2050. Comment sera-t-il possible de nourrir tout ce monde, qui plus est de manière écologique ?
Cette poussée démographique suscite des craintes sur le plan de l’alimentation. D’après la FAO, l’agence de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture, une personne sur trois pourrait ne pas avoir accès à une « alimentation saine, durable et équilibrée » en 2050. De quoi justifier pour certains l’intérêt de l’agriculture intensive ou de l’agro-industrie : il serait impossible de nourrir tous les êtres humains de manière écologique.
Un argument pourtant balayé par plusieurs études et scientifiques. Même si cela nécessite effectivement de revoir de fond en comble nos façons de produire et de consommer.
Changer les régimes alimentaires
C’est d’ailleurs la FAO qui le dit elle-même dans son rapport « The future of food and
agriculture – Alternative pathways to 2050 » [PDF] publié en 2018. Pour cela, l’agence estime qu’il faut « sensibiliser les consommateurs à des régimes alimentaires durables et plus sains pour l’environnement ». C’est à dire, se tourner vers le bio ou des produits issus de l’agro-écologie (moins d’intrants, plus respectueux des ressources et du sol) dès que c’est possible pour mieux préserver les écosystèmes. Manger moins de viande comme le veut le consensus scientifique sur le sujet, relayé dans les rapports du GIEC, surtout la viande rouge dont la production émet le plus de CO2. Il est aussi nécessaire de continuer à augmenter la main-d’œuvre dans le secteur.
Limiter le gaspillage
Le World Resources Institute va dans ce sens. Ce centre de réflexion américain spécialisé dans les questions environnementales estime qu’il est possible de nourrir durablement 10 milliards d’êtres humains en suivant cinq critères (déclinés ensuite en 22 solutions).
Premièrement : réduire la croissance de la demande en nourriture et en autres produits agricoles. Un quart de la nourriture produite actuellement est gaspillée pour des raisons de stockage ou de mauvaise gestion de son frigo ou de son appétit. Limiter le gaspillage a donc des impacts très concrets. Il est aussi essentiel de réduire sa consommation de viande, en particulier de bœuf, d’agneau et de chèvre, qui nécessitent beaucoup de ressources pour leur production. Il est aussi essentiel d’éviter la compétition entre la production de bioénergies et de nourriture.
Améliorer les rendements
Deuxièmement : augmenter la production de nourriture sans étendre la surface agricole. Un objectif réalisable par exemple en améliorant la sélection des cultures, en réduisant les terres en jachère, en pratiquant la double culture (plantation de deux cultures la même année dans un champ), en améliorant la gestion des sols par exemple en pratiquant l’agroforesterie (intégrer des arbres et arbustes dans les fermes et pâturages). Ou bien, pour la viande, en augmentant la productivité du bétail grâce à l’élevage de races adaptées, à l’utilisation de pâturages en rotation et à de meilleurs soins vétérinaires.
Troisièmement : protéger et restaurer les écosystèmes naturels. Par exemple en soutenant financièrement la préservation de forêts ou d’espaces naturels, en reboisant des terres agricoles peu productives, en restaurant des zones humides et en limitant l’expansion inévitable de terres cultivées à des terrains présentant peu d’intérêt pour la biodiversité ou le stockage de carbone.
Quatrièmement : augmenter les réserves de poissons. Pour cela, il est nécessaire d’améliorer la gestion de la pêche sauvage, alors qu’un tiers des stocks marins sont surexploités, et de supprimer les subventions soutenant la surpêche. Il convient aussi d’améliorer la productivité de l’aquaculture sans créer plus d’impacts environnementaux.
Réduire les gaz à effet de serre du secteur agricole
Cinquièmement : réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole. En misant sur la réduction de l’élevage de ruminants en particulier, la diminution de l’utilisation d’engrais azotés tout en améliorant leur efficacité et le passage à l’utilisation d’énergies non fossiles.
Des adaptations fondamentales qui reposent en grande partie sur des décisions politiques, pouvant être poussées par des consommateurs avertis.