« Il y a 40 ans, on était tous ignorants. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La mer est une immense forêt, un écosystème, une matrice avec des espèces interconnectées. En supprimer une seule, c’est mettre tout un système en danger. Y compris nous-mêmes », raconte Olivier Roellinger, dans le Parisien.
Ce chef cuisinier a grandi à Cancale. Il y a aussi fait ses premières armes. En 1982, il ouvre son premier restaurant dans la maison de son enfance et continue à sublimer les produits de sa Bretagne natale jusqu’à obtenir trois étoiles au Michelin en 2006. Deux ans plus tard, il y renonce pour raison de santé et se concentre sur son restaurant Le Coquillage, à Cancale toujours. Et se lance aussi dans le commerce d’épices.
Pour une pêche responsable
Cet amoureux de l’océan s’est aussi beaucoup engagé pour une pêche plus responsable et une gastronomie respectueuse du climat. « Aujourd’hui, tous les chefs parlent de traçabilité : ils veulent connaître l’origine de l’oeuf, de la poule, du beurre, de la viande, savoir comment les animaux ont été nourris. Mais pour ce qui est de la mer, dont les produits composent près de 50 % de la carte des restaurants, y compris en Alsace ou en Auvergne, peu de cuisiniers se préoccupent du lieu et de la technique de pêche, connaissent la saisonnalité ou savent si telle espèce est menacée, regrette le chef étoilé dans Télérama. On se contente de passer un coup de fil à un mareyeur et de l’interroger sur la fraîcheur ou le prix du poisson. »
« Si les chefs d’Etat ne sont pas capables de prendre des décisions fortes en matière d’environnement, il faut alors que les chefs de cuisine prennent en main les domaines sur lesquels ils peuvent intervenir. Nous avons la responsabilité de jouer un rôle moteur », affirme encore le cuisinier.
Mais comment cuisiner à partir des ressources de la mer de manière responsable ?
- Privilégier les espèces peu connues
Les chefs et restaurateurs ont tendance à proposer les mêmes poissons et crustacés dits nobles toute l’année : bars, turbots, saint-pierre, langoustines, homards, cabillauds, soles, daurades, thons rouges, saumons fumés ou non, noix de Saint-Jacques : une douzaine d’espèces en tout et pour tout. Alors quid du lieu jaune, du maquereau, du tacaud, du congre, etc. : qu’ils soient non nobles ou peu connus, Olivier Roellinger veut les remettre à la carte.
- Faire l’impasse sur les espèces menacées
« En vingt ans, 80 % des ressources de thon ont disparu ! », enrageait l’amoureux de la mer il y a quelques années. Depuis il est parvenu à faire bannir le thon rouge, espèce menacée, de tous les établissements Relais & Châteaux.
- Mobiliser les chefs
En tant que vice-président des établissement Relais & Châteaux, Olivier Roellinger ne s’est pas arrêté là. En 2014, il a fait signer à plus de cinq cents membres de l’organisation un manifeste pour « Un monde meilleur, par la table et l’hospitalité ». Il y est notamment question de la « promotion rigoureuse des méthodes de pêche responsable et par un soutien accru à toutes les mesures destinées à lutter contre la fragilisation des océans ». Les restaurateurs et les hôteliers s’assurent ainsi que les poissons ont la taille réglementaire et qu’ils sont pêchés à la bonne saison, notamment.
Le chef du restaurant Le Coquillage soutient également l’association Bon pour le Climat, qui œuvre auprès des restaurateurs, des hôteliers mais aussi des consommateurs pour le respect de l’environnement et une cuisine responsable. Pour obtenir l’appellation « bon pour le climat », un établissement s’engage à proposer au moins une entrée, un plat, et un dessert issus de produits de saison, locaux et mettant en avant le végétal. Des critères qui permettraient de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre.
- Sensibiliser les jeunes cuisiniers
C’est pour cette raison qu’Olivier Roellinger a lancé, en 2012, avec l’ONG SeaWeb, l’école Ferrandi-Paris et l’école hôtelière de Dinard, un concours éponyme. Le but : inciter les futurs chefs à réfléchir à leur approvisionnement en poisson.