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Entretien

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Pari remporté : un an sans huile de palme

Adrien Gontier, chimiste et blogueur, a vécu un an sans huile de palme. Une prouesse, car il y en a partout !

Pari remporté : un an sans huile de palme

Paru le 16 octobre 2012, modifié le 27 janvier 2023

Ecrit par Mon Quotidien Autrement

De juillet 2011 à juillet 2012, Adrien Gontier, doctorant en géochimie de 26 ans s’est lancé un défi hors du commun : vivre un an sans huile de palme. Originaire d’Afrique de l’Ouest, l’huile de palme est aujourd’hui produite à 85 % en Indonésie et Malaisie. Avec 42 millions de tonnes chaque année, elle est la graisse végétale la plus utilisée dans le monde et est présente dans un produit alimentaire sur deux, souvent sous la dénomination « huile végétale » ou « matière grasse végétale ». Le problème: sa culture est responsable de déforestation galopante avec à la clé: une augmentation des rejets de CO2, une destruction de la biodiversité et bien souvent des conditions de travail pénibles pour les travailleurs.

Le blogueur raconte son expérience sur son blog, qu’il n’a pas cessé d’alimenter. Une véritable mine d’information sur une consommation responsable !

Comment en êtes-vous arrivé à vous lancer dans cette aventure ?

Cela faisait un certain nombre d’années que je faisais attention à ma consommation en général, je me suis toujours posé des questions. Un jour, avec des amis, nous avons abordé le sujet de l’huile de palme. Personne ne savait vraiment ce que c’est, ni les conséquences de son exploitation etc… Des choses qui me paraissaient évidentes ne l’étaient pas pour tout le monde. Le lendemain, j’ai lu un article sur Sara Bongiorni, une journaliste américaine qui avait passé un an sans « made in china » … ça a été un déclic. Elle disait que cette année-là l’avait forcée à réfléchir à sa consommation, à se demander comment on en était arrivé là, est-ce que se passer de ces produits et les remplacer par d’autres ne serait pas pire etc…

Alors un an sans huile de palme, est-ce que c’était compliqué ?

L’année n’a pas été très dure. J’aime comprendre, savoir ce que je consomme, c’est dans ma nature. C’était une année de transition, j’ai tâtonné. Je suis parti du principe que j’allais faire attention aussi aux dérivés obtenus à partir des molécules contenues dans les huiles. Au final, j’ai trouvé 150 noms différents pour l’huile de palme ! L’alimentaire était le plus simple, il suffit de faire à manger soi-même ou de faire attention aux étiquettes. Au final, là où on en retouve le plus, c’est dans les produits d’hygiène.

Lorsqu’on pense à l’huile de palme, on pense à notre alimentation. Mais en lisant votre blog, on se rend compte qu’il y en a partout…

Oui ! Surtout dans les produits d’entretien et d’hygiène, finalement. Il y en a dans l’alimentation bien-sûr et aussi dans les carburants. Parce qu’on peut la transformer chimiquement. Pour certains produits, des dérivés aux noms barbares sont utilisés, comme le e471, un émulsifiant. Les glaces Carte d’or ou Laitière ne contiennent pas d’huile de palme à priori, mais il y a cet émulsifiant au nom niais et innocent qui provient de l’huile de palme. C’est une molécule de gras trafiquée. Le casse-tête c’est qu’elle peut aussi provenir de l’huile de tournesol ou de colza, il faut tout vérifier. Quand on lit sodium palmate, on comprend vite en revanche. Un autre exemple, dans les déodorants en spray, vous pouvez trouver du disteardimonium hectorite ou d’autres dérivés à base d’acide stéarique.

Avez-vous eu des surprises durant cette année-là ?

Je ne m’attendais pas à retrouver de l’huile de palme dans autant de produits, il y en a partout ! Même dans les raisins secs ou dans certaines boissons gazeuses amincissantes! Et puis, je ne pensais pas que ce serait aussi difficile pour les produits d’hygiène, j’ai été décu par le manque d’informations. J’ai envoyé beaucoup de mails. Dans l’alimentaire, les gens répondent plus facilement à mes demandes.

Est-ce que les produits bio s’en sortent mieux ?

Que vous preniez des produits premier prix ou très chers, bio ou non bio, il y a autant de chance de trouver de l’huile de palme. En revanche, les bios l’indiquent plus souvent, c’est inscrit dans leur charte. Et les pains bio n’ont pas le droit d’avoir ces fameux émulsifiants. En tout cas, vous avez plus de chance de trouver de l’huile de palme dans les produits d’entretien ou de beauté lorsqu’ils sont écologiques ! Ils doivent contenir de la matière première renouvelable et ne peuvent pas être fabriqués à base de pétrole, de graisse animale ou d’industrie chimique. Résultat : on retrouve donc plus facilement de l’huile de palme, qui est un végétal, donc renouvelable, dans les savons ou lessives écolo que dans un produit bas de gamme.

Pourquoi la trouve-t-on presque partout ?

Elle a tout plein d’atouts : elle résiste bien à la cuisson, elle est très pratique parce qu’elle est semi solide à température ambiante. Par exemple, si la soupe en sachets n’est pas un peu grasse, elle n’a aucun goût, donc, vous devez mettre de l’huile. Avec de l’huile de palme, vu qu’elle est solide, quand vous ouvrez le sachet, la poudre ne colle pas aux parois. Imaginez ce que ça donnerait avec du tournesol… Et puis, elle tient un certain temps, rancit moins que du beurre et est cinq fois moins chère. Les industriels peuvent faire des gâteaux qui tiennent trois ans et le consommateur est content car ces produits tiennent longtemps. Pour ce qui concerne le prix, tout est relatif : les Cracottes de Lu, à base d’huile de palme, sont deux fois plus chères que celles d’Auchan, qui contiennent du colza.

Depuis quand est-elle utilisée ?

Elle est connue depuis cinq mille ans en Afrique, et a été importée en Europe dans les années 1850. Elle servait à faire des savons et à faire exploser les mines avec de la trinitroglycérine ! Ce n’est pas une invention des industriels du 21e siècle. Le problème, c’est qu’à la base, la production d’huile de palme était issue d’Afrique, de plantations à moitié naturelles, à moité cultivées. De quelques millions de tonnes d’huile de palme produites, on est passé à près de 50 millions. Aujourd’hui, la croissance est exponentielle, c’est hallucinant. Grosso modo, on estime qu’une plantation sur deux en Asie du Sud-Est a nécessité une déforestation. Mais tout n’est pas négatif : ça a aussi donné du travail à certaines familles. D’un point de vue environnemental, l’impact est souvent négatif. En Malaisie, 80% des plantations sont situées sur d’anciennes forêts, en Indonésie 20%. D’un point de vue économique, c’est plus compliqué, c’est au cas par cas.

Vous n’avez pas déprimé après cette année ?

Non, c’était jubilatoire ! Je ne comprends pas les personnes qui peuvent consommer sans se poser la moindre question, j’adore savoir comment est fait un produit, d’où il vient. J’avais l’impression de lever un lièvre. Ce sont des questions sans fin, pas inhérentes à l’huile de palme qui était plus un moyen pour s’interroger sur sa consommation qu’une fin en soi. Il faut se prendre en main et être responsable, c’est une question de responsabilité personnelle. Si chaque citoyen, dans son coin, relève certaines informations et les met sur la place publique, on deviendra plus fort. Moi, je suis loin d’avoir une consommation exemplaire, je suis sûr que je fais plein de choses de travers. Ca ne doit pas être une barrière. Je ne donne aucune leçon, je ne traite pas les gens de tueurs d’orang-outans ! Quelque fois, il suffit de petits conseils pour faire attention à sa consommation, j’ai donc écrit un petit guide vert et un petit guide bleu. Dans la vie de tous les jours, on peut faire attention un peu à tout, on peut se tromper aussi, ce n’est pas grave.

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