Dans le cadre de l’exposition « L’art d’apprendre : une école des créateurs », le Centre Pompidou-Metz a invité cette année la designeuse niçoise à imaginer la classe idéale lors d’une résidence. Auprès de Mon Quotidien Autrement, elle revient sur cette expérience, qui va continuer sous une autre forme à la rentrée.
Pourquoi avez-vous imaginé la « classe idéale » ?
À travers mon parcours de designeuse, je me suis beaucoup intéressée à la formation et à la transmission. Avec mon atelier, nous avons fait plusieurs projets de scénographie, de jeux ou d’ateliers destinés à un public enfant. Mais c’est vraiment l’invitation du Centre Pompidou-Metz qui nous a poussés plus loin dans cette voie, en nous laissant carte blanche à l’occasion de l’exposition L’art d’apprendre : une école des créateurs. L’exposition revisitait la façon dont les artistes s’étaient intéressés à la question de la pédagogie depuis les années 1960. De notre côté, il s’agissait de faire une expérimentation avec des classes de CM1 et CM2, qui venaient un jour par semaine dans une salle du musée. On a baptisé cette expérience Écoletopie.
À quoi ressemble-t-elle ?
L’idée, c’était de proposer une série de pratiques qui visent à provoquer des transformations qu’on pense souhaitables. Revoir la position de l’assise par exemple. L’assise sédentaire est une mauvaise habitude, toxique pour la santé. On a donc proposé notre « sChaise », qui a une assise rebondissante. Ça permet de bouger, de trouver des nouvelles postures, de passer d’une situation extrêmement rigide et figée à une situation d’ouverture. Les enfants se sont appropriés toutes les possibilités de la chaise et c’est devenu automatique pour eux de pouvoir bouger, de se mobiliser pour retrouver son calme ou pour évacuer le trop-plein d’énergie.
Je trouvais intéressant aussi que la classe soit entièrement auto-construite, pour que le groupe puisse comprendre comment un environnement est fabriqué. Tout le mobilier était comme un jeu de construction, avec des gros blocs de liège et des planches qu’ils pouvaient assembler. En une heure ils pouvaient tout déconstruire et se faire des cabanes, des bibliothèques, des bureaux vaisseaux, puis l’heure d’après tout remettre en ordre et décider s’ils voulaient des tables individuelles, en U, être face au tableau ou non. Comme il y a beaucoup de pièces, il fallait le décider de manière collective. Cette discussion était importante, aussi.
Du côté des activités, l’idée était de développer la sensibilité et des exercices de communication en dehors du langage. C’est un moyen de favoriser le discernement, une forme d’intelligence dont on a besoin aujourd’hui, face à tous les bouleversements en cours. Pour cela, j’ai imaginé un temps de contemplation esthétique, avec un jeu de 1 000 pièces de matières, de formes et de couleurs différentes, à mettre en relation les unes avec les autres. L’idée c’est de permettre aux enfants de s’intégrer totalement dans une activité sans autre but qu’elle-même, cela permet de développer des fonctions cérébrales très intéressantes.
Comment les enfants et le personnel ont-ils accueilli ces nouveautés ?
Au début, les enfants ont posé beaucoup de questions. Ils se sont intéressés au design, à mon parcours, aux journées types à l’atelier. Ils ont aussi demandé pourquoi les choses avaient ce prix là et étaient plus chères que dans un supermarché. Mais surtout, ils ont adoré l’expérience, ils ne voulaient plus quitter la classe. C’est vrai que l’endroit était incroyable aussi : 12 mètres de hauteur sous plafond, avec une baie vitrée sur tout un pan du mur donnant sur Metz… Du côté du personnel encadrant, on a un peu craint que cela parte en agitation parce qu’on proposait beaucoup de mobilité, mais finalement ça s’est très bien passé et les propositions ont permis une meilleure écoute. Il y a eu beaucoup d’échanges, mais ce n’était pas une dispersion où chacun parle dans son coin.
Les écoles peuvent-elles s’inspirer de votre démarche ?
Expérimenter une telle classe toute l’année serait vraiment extraordinaire. J’aimerais beaucoup avoir ce genre d’échange avec des classes plus sédentaires et essayer de transmettre au moins quelques principes, pour qu’un enseignant qui a peu de moyens puisse fabriquer ses outils avec sa classe. C’est possible de construire tout le mobilier avec des planches de récup’ par exemple, avec un système de trous et de blocs de liège. C’est la base du système que l’on a conçu : re-Play YET !. Avant de mettre la formule en manuel, nous proposons des ateliers de pratique au cours desquels nous transmettons le savoir-faire simple pour que chacun puisse à son tour s’installer selon ces principes. L’expérience va en tout cas continuer à la rentrée. On va la dupliquer et l’enrichir dans l’école de la Cité radieuse de Briey-en-Forêt. On va voir comment cela se passe dans un lieu plus ordinaire qu’un musée.
Site du studio de Stéphanie Marin : www.smarin.net