Aurait-il été possible d’éviter la crise écologique actuelle ? Deux dates font mal dans la chronologie des alertes.
1971
Dès 1971, le groupe Total avait connaissance des conséquences néfastes de ses activités sur le climat. C’est même un article dans une revue interne qui expliquait que la combustion d’énergies fossiles conduisait «à la libération de quantités énormes de gaz carbonique» dans l’atmosphère, une situation jugée « préoccupante ». Ce sont les chercheurs Christophe Bonneuil (directeur de recherche en histoire au CNRS et enseignant à l’EHESS, Paris), Pierre-Louis Choquet (post-doctorant au Centre de sociologie des organisations, Sciences Po Paris) et Benjamin Franta (historien à l’université de Stanford, aux États-Unis) qui ont révélé cette date dans une étude publiée en octobre 2021 après avoir épluché les archives du groupe. Au lieu d’enclencher un changement dans ses activités, Total a préféré semer le doute à partir des années 1980 concernant l’impact des émissions carbone et a cherché à contrecarrer les efforts pour limiter le recours aux énergies fossiles, engendrant un immobilisme dans l’action climatique.
1977
En 1977, le président américain Jimmy Carter a aussi été alerté de la crise à venir pour le climat via une note déposée sur son bureau. Le Guardian en a révélé le contenu en juin 2022. Celle-ci, baptisée « Libération de CO2 fossile et possibilité d’un changement climatique catastrophique », expliquait déjà clairement qu’il existait des risques de voir survenir une crise climatique dans un futur proche. La note avait été rédigée par le physicien Frank Press, conseiller scientifique en chef du président Carter. « L’urgence du problème vient de notre incapacité à passer rapidement à une source non fossile d’énergie dont les effets négatifs deviendront incontestables peu après l’an 2000 », anticipait-il. Frank Press évaluait aussi l’ampleur du réchauffement climatique entre 0,5 °C et 5 °C d’ici aux années 2030. Une prévision plutôt juste : les experts du GIEC estiment que les températures moyennes devraient atteindre 1,5°C de plus qu’à l’ère préindustrielle en 2030.