Ça y est, les enchères pour les fréquences 5G sont terminées, ouvrant la voie aux premières commercialisations de services 5G dans certaines villes. Une bonne nouvelle ? Pas pour tout le monde… On fait le point.
La 5G, c’est quoi ?
Il s’agit de la cinquième génération des standards en matière de téléphonie mobile. En résumé, elle permet des connexions plus rapides, plus puissantes, et réduit le risque d’engorgement. « Avec la 4G, un film de 800 Mo prend environ 40 secondes à télécharger ; avec la 5G ça serait réduit à une seule seconde », disait en 2014 l’ex-Premier ministre britannique David Cameron. Globalement, un graphique de l’ANFR – l’Agence nationale des fréquences – fait la synthèse des grands domaines qui pourraient utiliser cette nouvelle technologie : la santé (télémédecine, téléchirurgie, surveillance à distance), la ville intelligente (territoires connectés, sécurité publique, maîtrise énergétique), l’industrie (automatisation, robotique, pilotage à distance), les transports (autonomisation, liaisons entre véhicules).
Côté français, c’est l’enthousiasme aussi au sommet de l’État. « Je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine », s’est moqué Emmanuel Macron. Il réagissait notamment à une tribune de 68 élus écologistes, de gauche et quelques Insoumis, dont des maires de grandes villes françaises, qui réclament un moratoire sur le déploiement de la 5G jusqu’à l’été 2021. Franck Riester, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’attractivité, a, lui, réagi sur Europe 1, estimant ces « maires dans une position de refuser le progrès ».
« C’est un projet du siècle dernier, quand on pensait qu’on pouvait encore croître sans arrêt »
Diantre ! Les écolos seraient-ils vraiment des pisse-froid, qui ne font que râler ? Sont-ils mabouls lorsqu’ils réclament un moratoire, arguant par exemple que l’on attend toujours un rapport – commandé par le gouvernement lui-même – sur les effets de cette technologie sur la santé ? Ou lorsqu’ils évoquent l’affolante consommation énergétique que cette gloutonne 5G requiert ?
Des questions légitimes dans un contexte où de nombreux experts se prononcent contre. Jean-Marc Jancovici, président de The Shift Project, groupe de réflexion sur la transition énergétique, écrit : « Augmenter les débits pour que nous puissions continuer à consommer de plus en plus d’images animées, puis après nous pleurerons collectivement parce que cela amène des nuisances environnementales augmentées »,
Il ajoute :
« L’augmentation indéfinie de la définition sur les écrans, et la quantité d’images animées que nous utilisons, ne nous rendra pas plus heureux, mais contrariera un peu plus nos ambitions de durabilité. »
Sur le site du gouvernement, Viepublique.fr, on ne lit pas autre chose : « La 5G, comme la 4G avant elle, va contribuer à une consommation accrue de données. L’augmentation des performances entraînera aussi une nouvelle utilisation du numérique. Le déploiement de la 5G risque d’accroître la consommation énergétique pour la production de données et la pollution numérique.»
L’effet rebond
Pour cela, il faut comprendre une petite subtilité : certes, la 5G est moins énergivore que la 4G. Mais si, in fine, elle est plus néfaste pour l’environnement, c’est à cause de ce qu’on appelle « l’effet rebond » : l’accès plus rapide aux données booste leur consommation ! Plus il est facile et rapide de se connecter, et plus on se connecte… Autre écueil : pour en profiter, il faudra acheter des smartphones compatibles. « Nous prévoyons une augmentation de la vente de smartphones de l’ordre de 15% dans les années à venir, seulement à cause de la 5G », estime Hugues Ferreboeuf, directeur du projet Sobriété numérique au sein de The Shift Project, dans les Echos.
Par ailleurs, la 5G repose sur l’utilisation d’ondes très courtes (d’où les questions sur les conséquences sur la santé). Qui dit ondes courtes, dit la nécessité d’implanter énormément d’antennes pour raccourcir les distances et permettre aux ondes courtes d’arriver à bon port.
« C’est un projet du siècle dernier, quand on pensait qu’on pouvait encore croître sans arrêt », résume Nicolas Bérard, auteur du livre 5G mon amour, Enquête sur la face cachée des réseaux mobiles, (Edition, Le passager clandestin), dans les Inrocks. « On veut augmenter les débits internet par dix, mais est-ce que les gens le réclament ? Non, ils ne le réclament même pas. On a déjà la 4G, on peut déjà faire énormément de choses avec nos smartphones».
On aurait pu faire autrement !
Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où il y a eu prise de conscience écologique, c’est-à-dire que nous ne sommes plus ignorants des risques que l’action humaine fait encourir à la planète. Dans ce contexte, il est dommage que nous nous ne posions pas plus de questions, que nous ne fassions pas plus d’études avant de lancer de tels projets.
Il aurait déjà été indispensable de mesurer les conséquences santé d’un tel déploiement et de voir comment s’en prémunir si le risque est avéré. Et il aurait été également sûrement très intéressant d’investiguer des scénarios où l’on réserve la 5G à des projets d’utilité publique contrôlés par l’État comme l’amélioration des transports en commun. Il semblerait par exemple que la 5G pourrait permettre d’avoir de petits bus électriques capables d’un ramassage à la demande, une sorte de covoiturage collectif ou de bus agiles : un nouveau type de mobilité qui annulerait l’usage strictement individuel de nos véhicules tout en étant beaucoup plus flexible que nos transports en commun actuels.