Félix Noblia en impose. À 20 ans, le jeune basque a décidé de reprendre la ferme de son oncle, un DUT de bio en poche. Depuis, ses recherches et expérimentations vers une agriculture respectueuse de la nature lui ont valu bien des louanges, le trophée de l’agroécologie par exemple, obtenu en 2016. Fini, l’élevage intensif en quasi monoculture de maïs !
Quelle est la spécificité de Félix Noblia ? Pour le dire vite, il pratique le semis direct sous couvert végétal en agriculture biologique.
Vous êtes plus une souris des villes que des champs et le semis direct, ça ne vous dit rien ? On vous résume. On parle aussi de « culture sans labour », soit l’introduction de la graine dans le sol sans passer par le travail du sol. Souvenirs des beaux champs labourés de notre grand-père en tête, on se demande bien pourquoi labourer la terre serait néfaste. Un sol non labouré n’est pas bouleversé, et en plus, cela signifie moins d’heures de travail et moins de carburant à mettre dans son tracteur.
La culture sans labour préserve les sols
Tiens donc, ça a l’air super et bien pratique ! Tout le monde devrait le faire, répond le rongeur urbain que vous êtes peut-être. Et beaucoup le font : la majorité des cultures en agriculture conventionnelle même. Le hic, c’est qu’il faut alors utiliser du glyphosate pour empêcher les mauvaises herbes de concurrencer les bonnes.
Un vrai casse-tête. Pas de labour, c’est bon pour le sol, mais il faut des pesticides. Le labour – souvent pratiqué en agriculture bio – permet d’enlever les mauvaises herbes mais abîme le sol, notamment celui des terrains sensibles à l’érosion (caillouteux, terrasses, en pente, etc.).
Alors, quand on sait que Félix Noblia arrive à cultiver ses champs sans labour, ni pesticides, on lui tire notre chapeau. Pour cela, il utilise plusieurs techniques propres à l’agriculture de conservation des sols. Celle-ci repose sur trois grands principes agronomiques, selon le dictionnaire de l’agroécologie : « La suppression de tout travail du sol, la couverture (végétale ou organique) permanente du sol ainsi que la diversification de la rotation culturale. » Il s’agit, entre autres, d’appliquer un couvert végétal, soit un paillage recouvrant le sol, qui se décompose et forme de l’humus, réduit l’érosion de sol et renforce son activité biologique.
Mais cela ne suffit pas : de nombreux agriculteurs pratiquent le semis direct sous couvert végétal mais ne parviennent pas à se passer de quelques litres de glyphosate.
Le média écolo Reporterre explique que « Félix Noblia parvient à se passer de produits phytosanitaires en jouant sur les temporalités : le paillage étouffe les mauvaises herbes jusqu’à ce que la taille des plantes issues de ses semis soit suffisante pour concurrencer toute autre pousse.» Pour cela, il est en permanente expérimentation – ce qui lui a par exemple fait découvrir que le pois fourrager permet un super couvert végétal pour qui veut faire pousser du maïs. Autre technique : semer des cultures en association. Il plante en même temps blé et trèfle et… attend de voir qui prendra le dessus (aucune plante non voulue en tout cas).
« Si tous les agriculteurs se mettaient à cette technique, nous pourrions stocker tout le carbone émis par les énergies fossiles »
L’agriculteur détaille sur le site Graines de Mane : « La clé de la réussite de cette technique en bio réside, dans mon système, sur la présence d’un élevage grâce auquel je suis sûr de valoriser économiquement ma récolte. Si le blé est beau, je le vends dans des filières de panification. Si le trèfle s’est trop développé, je le fais pâturer par mon troupeau ou j’en fais du foin. Sans élevage, je ne pourrai pas me permettre de sécuriser l’incertitude inhérente à des systèmes d’agriculture de conservation sans herbicide.»
Ces techniques ont des conséquences positives sur les sols, et sur l’environnement en général. Le couvert végétal lui permet de stocker du carbone dans ses sols grâce aux plantes en décomposition. « Si tous les agriculteurs se mettaient à cette technique, nous pourrions stocker tout le carbone émis par les énergies fossiles et stopper le réchauffement », explique-t-il.
Ce que le Réseau action climat confirme : « Un des leviers pour stopper l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère est, en plus d’une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre d’origine fossile, d’accroître chaque année le stock de carbone dans les 30 à 100 premiers centimètres du sol, en changeant les pratiques de son utilisation. Cela permettrait en plus d’accroître la fertilité des terres.»
Félix Noblia passe aujourd’hui près d’un tiers de son temps sur ses expérimentations. Il explique, sur le site alim’agri : « Je veux prouver que l’écologie marche, qu’on peut faire de l’agriculture productive dans un système durable en amélioration permanente. L’agriculture biologique est capable de faire les mêmes rendements qu’en conventionnel ! »
Pour en savoir plus sur ce paysan expérimenteur, abonnez-vous à sa chaine YouTube !
Et écoutez cette mini conférence :
Crédit photo : Capture d’écran de L’agroécologie grandeur nature
C’est bien beau, mais les rendements ne sont pas les même et cela demande beaucoup plus d’homme/heure.