Le Green Deal est dans les cartons de l’Union Européenne (UE) depuis de longs mois. C’est même l’un des grands projets de la Présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen. Mais qu’appelle-t-on “Green Deal” ? Derrière ce terme se cache en fait un ensemble de mesures à prendre pour atteindre la neutralité carbone en 2050. « Nous améliorerons l’échange de droits d’émission, promouvrons l’utilisation des énergies renouvelables, améliorerons l’efficacité énergétique et réformerons la fiscalité sur l’énergie », a rappelé la Présidente lors de son discours du 16 septembre devant la Commission.
Le deal s’accompagne d’un budget, 1000 milliards d’euros devraient y être alloués dans les 10 prochaines années, d’une loi pour l’encadrer (la loi-climat) et d’un objectif intermédiaire chiffrant la réduction des émissions de gaz à effet de serre à atteindre d’ici à 2030.
Bonne nouvelle : le 7 octobre, le Parlement européen a revu à la hausse cet objectif en votant un amendement à la loi-climat. L’objectif est désormais une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990, au lieu des 40% en vigueur actuellement. Le Parlement a aussi demandé à la Commission de proposer un plan pour atteindre les objectifs. Mais il faudra faire preuve de patience, la Commission ne remettra son rapport qu’en mai… 2023.
Premières avancées
En attendant, quelques mesures concrètes ont été prises. Ces dernières semaines, le Parlement a ainsi voté deux mesures allant dans le sens du Green Deal. D’abord, les secteurs maritime et aérien seront désormais inclus dans le décompte des émissions de la Bourse carbone. Ils en étaient « miraculeusement » exonérés. Ensuite, dans le secteur de l’automobile, les tests d’émission des nouveaux véhicules devront se faire en situation réelle et plus seulement en laboratoire, évitant ainsi les résultats peu conformes à la réalité. Une réponse au Dieselgate de 2015.
En mai dernier, la Commission a également émis des propositions en matière de biodiversité et d’alimentation : la protection de 30% des terres et des mers d’ici à 2030 (contre 26 % et 11 % aujourd’hui); la réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides dans les cultures. Dans les cartons aussi : une taxe sur les déchets plastiques, une taxe carbone aux frontières et une taxe « Gafa » sur les géants du numérique.
Pourtant, ces derniers mois, le climat semblait avoir été mis de côté. Face à la crise du Covid-19, l’Union Européenne avait donné la priorité à son plan de relance de l’économie et on n’avait que très peu entendu parler de la loi climat depuis. Ce plan comporte bien un volet sur la transition énergétique. Un État membre ne recevra les subventions de l’UE à la seule condition que 30% des dépenses engagées dans le cadre du plan concerne le changement climatique. Mais les montants concernés sont bien inférieurs à ceux initialement évoqués dans la loi climat.
La Pologne n’est pas d’accord
Malgré l’amendement de la loi-climat, la route est encore longue pour le Green Deal. L’objectif fixé par le Parlement doit encore être discuté par les États membres les 16 et 17 octobre, et ne sera définitivement entériné que courant décembre, après négociations. Or, les 60% demandés par les députés ne sont pas du goût de tous. Un pays comme la Pologne, encore largement alimenté par les énergies fossiles, a déjà fait part de son refus de viser la neutralité carbone en 2050, qu’elle estime trop difficile à atteindre. Même l’Allemagne n’a pas encore donné son accord officiel, malgré les prises de parole plutôt rassurantes d’Angela Merkel, la chancelière.
Trop élevé pour les uns, pas assez pour les autres. Pour nombre d’observateurs des questions climatiques, le nouvel objectif chiffré n’est pas à la hauteur de la situation. Des ONG comme Climate Action Network ou Greenpeace aimeraient que la barre soit mise encore plus haute. “Pour contenir la hausse des températures à 1,5 °C d’ici à la fin du siècle, il faudrait atteindre une baisse d’au moins 65 %, d’après les dernières données disponibles », déclare à Reporterre Clément Sénéchal, chargé de campagne climat chez GreenPeace.
Des critiques se font également entendre quant à l’exécution de la loi : l’objectif de neutralité carbone en 2050 s’entend “pour l’ensemble de l’UE” et non par pays. Ce qui laisse la possibilité de voir des États s’affranchir de leurs obligations si l’objectif global est atteint. Les députés verts, eux, nourrissent des craintes quant à la continuité de la loi, aucun objectif intermédiaire n’ayant été fixé avant 2030. « C’est comme dire : “Je lance la transition écologique, mais ce sont les suivants qui la feront” », avance Philippe Lamberts, coprésident du groupe des Verts au Parlement, dans le Monde.
Rompre avec nos habitudes de consommation
Enfin, sur le fond, la loi Climat ne propose encore rien de concret pour sortir du modèle économique qui a pourtant mené à l’urgence climatique actuelle. Comme le note dans une tribune au Monde la sociologue Dominique Méda:
“[le Pacte Vert] n’accorde quasiment aucune place à la question centrale de la sobriété et de la nécessaire rupture que les sociétés occidentales (ou plus exactement les classes aisées du monde entier) doivent absolument opérer avec le consumérisme et le productivisme.”
La transition écologique se heurte aussi à des décisions incohérentes de la part des députés. Le 15 septembre, à la veille du discours de Mme Van der Leyen annonçant la révision à la hausse des objectifs du Green deal, le Parlement votait ainsi les conditions d’accès à un tout nouveau Fonds de transition écologique pour accompagner les pays les plus dépendants aux énergies fossiles. Surprise : les projets gaziers, riches en émissions de carbone, ont été maintenus parmi ceux éligibles au Fonds, dès lors qu’ils remplacent une alimentation au charbon. Un vote soutenu notamment par une majorité des députés LREM.
La voie institutionnelle est longue et le Green Deal n’est donc pas encore prêt à être déployé massivement. C’est pourquoi les initiatives à plus petite échelle, portées par des particuliers, associations ou entreprises, restent primordiales. Des initiatives que nous vous présentons et continuerons à vous présenter sur Mon Quotidien Autrement.