Casser le béton, se débarrasser des canalisations, creuser, recréer un lit, construire des berges… Déterrer les rivières enterrées dans les villes ? L’entreprise semble périlleuse ! Et pourtant, envie de vert oblige, les redécouvertes de rivières urbaines se multiplient.
Le plus souvent, on ignore leur présence. Parfois, des signes discrets rappellent qu’avant, sous nos pieds, ça bouillonnait. Dans le 13e arrondissement parisien par exemple, des plaques au sol indiquent « l’ancien lit de la Bièvre ». Un peu comme une pierre tombale. Plus pour longtemps ! Plusieurs communes ont déjà remis cet affluent de la Seine à l’air (200 mètres à Fresnes, 600 mètres à L’Haÿ-les-Roses), désormais, la maire Anne Hidalgo le promet, c’est au tour de Paris. Le projet est évoqué depuis les années 2000. Pourquoi tant de tergiversations ? Déjà, parce que la Bièvre, longue de 36 kilomètres ne coule même plus à Paris : elle finit son voyage à Antony (Haut-de-Seine) dans les égouts. Et puis, on s’en doute, tout cela coûte beaucoup d’argent. Un exemple : à Arcueil, le chantier va coûter en tout 10 millions d’euros pour un tronçon de 600 mètres, chiffre cité par le journal Le Monde. Enfin, dans une ville aussi densément urbanisée, le projet est compliqué. Les écologistes rassurent : seuls certains tronçons seront rouverts.
Des rivières cachées car… beaucoup trop sales et polluées
Mais au fait, pourquoi tant de rivières ont-elles été enterrées ? Eh bien, au risque de décevoir ceux qui ont des images de torrents alpins cristallins en tête, les rivières urbaines étaient tout simplement épouvantables. En deux mots : l’urbanisation effrénée, notamment après la Seconde Guerre mondiale, a entraîné une forte bétonisation et les nombreuses industries déversaient leurs déchets dans les affluents. Réaction des autorités ? Les recouvrir puis les incorporer aux réseaux d’assainissement et enfin les cacher sous la voirie ! « À l’époque on considérait que recouvrir la Bièvre était un progrès sanitaire » détaille par exemple le chargé de « projet Bièvre » pour le Département du Val-de-Marne, Benoit Kayser, à France Inter. « La rivière était très polluée il y avait beaucoup de tanneurs, de blanchisseries à Arcueil. Ils utilisaient l’eau de source et rejetaient toutes leurs eaux usées dans la Bièvre ».
En bétonnant les rivières, on favorise les inondations
Dans le cas de la Bièvre comme d’autres rivières, « il y avait en plus des problèmes d’inondation, qui n’étaient pas causés par la rivière mais par l’urbanisation : en bétonnant, on réduit les surfaces perméables, les sols n’absorbent plus l’eau et les eaux de pluie se retrouvent intégralement dans les rivières », résume François Quadri, joint par Mon Quotidien Autrement. Il est chargé de communication pour le Syndicat intercommunal pour l’aménagement hydraulique (Siah). Mais canaliser et enterrer les rivières, comme ont cru bien faire les autorités, n’était pas plus futé. « Les rivières « enfermées » débordent beaucoup plus facilement car le béton accélère la vitesse de l’eau. » Celle-ci se balade bien plus vite dans un canal bien lisse et droit que dans un lit de terre bien sinueux et plein de méandres…
Ces problèmes d’inondation traversent les décennies ! Pour y faire face, de nombreuses communes décident de sauter le pas et de rouvrir leurs rivières urbaines. Ainsi, Guiscard, près de Noyon, a décidé de remettre à ciel ouvert la Verse, recouverte par la voirie en 1964, histoire d’en finir avec les crues La rivière a ainsi retrouvé son lit d’origine, en pente de 2 à 3 %. Finis les gros tuyaux de béton ! Ces travaux hydrauliques permettent au lit de gonfler sans déborder.
En plus de lutter contre les inondations et de favoriser la biodiversité, cette renaturation des rivières permet de mieux supporter le réchauffement climatique. Car quand le thermomètre grimpe, des cours d’eau à ciel ouvert rafraichissent l’atmosphère…