Enfin de l’air ! Enfouis pendant les Trente glorieuses, trois cours d’eau, le Croult, le Petit Rosne et le Vignois, dans le Val d’Oise, font l’objet de travaux pour couler, à nouveau, à l’air libre. François Quadri est chargé de communication du Syndicat intercommunal pour l’aménagement hydraulique (SIAH) et revient sur l’histoire de ces rus.
Pourquoi ces rivières ont-elles été enterrées ?
Elles ont souffert, comme beaucoup de rivières en France. Après la Seconde Guerre mondiale, il y a eu des vagues d’urbanisation très intenses et les décideurs de l’époque ont pris des décisions radicales. Il fallait aller vite, face à l’urbanisation rapide et anarchique : ça bétonnait dans tous les sens ! Pendant toute la période industrielle, ces cours d’eau sont devenus des égouts à ciel ouvert, remplis de pollution, de déchets d’abattoir, etc. Et les gens vivaient à côté de ça !
Face à ces problèmes sanitaires, quelle a été la réaction des autorités ?
Pour se débarrasser du problème, elles ont couvert ces cours d’eau d’une chape en béton. Elles pensaient très naïvement qu’en les recouvrant, cela allait éviter les inondations. Or, c’est tout le contraire. C’est à cause de l’urbanisation qu’il y avait des inondations, car il n’y avait plus assez de sols perméables pour absorber l’eau. Et en enterrant et enfermant les rivières, elles débordent encore plus facilement car le béton accélère l’eau.
Aujourd’hui encore, des rivières sont partiellement bétonnées. Nous, notre rôle est d’inverser cette tendance néfaste pour retrouver des cours d’eau dignes de ce nom.
Le Petit Rosne a d’ailleurs retrouvé son lit d’antan à Sarcelles.
Nous restaurons des tronçons de rivière. Nos deux projets dans le Val d’Oise ont démarré par un souci hydraulique : un quartier était inondé régulièrement. Le Siah a voulu régler ce problème en rajoutant une valeur écologique. Il y a eu un virage il y a cinq, six ans : avant, il fallait un problème d’inondations pour convaincre les élus et les riverains de rouvrir les rivières. Désormais, pas mal d’élus ont vu les rivières renaturées, comme Le Vignois à Gonesse, et souhaitent voir émerger sur leur commune le même type de projet.
Concrètement, ça veut dire quoi de rouvrir une rivière ou un cours d’eau ?
Regardez ce qu’on a fait au Vignois ou au Croult. C’était un canal : on l’a déplacé sur quelques mètres pour que le ru retrouve son lit, on a recréé des méandres. Ils ont un double rôle, écologique et hydraulique. L’eau ralentit, donc les poissons fraient, s’abritent, se reproduisent, certains oiseaux font leur nid…
Il suffit de casser le béton ?
Non, c’est presque au millimètre près. On n’utilise pas un tractopelle pour s’amuser à faire une tranchée qui pourrait ressembler à une rivière. Des spécialistes viennent, définissent les pentes des berges mètre après mètre, c’est de l’aménagement très fin pour favoriser l’apparition de faune et de flore. Des projets longs et difficiles.
Il faut aussi sensibiliser la population
Oui, on doit expliquer que ce ne sont pas des parcs. On ne souhaite pas que les gens piqueniquent ou restent trop longtemps sur les berges. Il n’y a pas d’éclairage car c’est une zone noire pour favoriser la biodiversité nocturne, il n’y a que quatre bancs sur le site qui fait plusieurs dizaines d’hectares… La faune et la flore sont libres. On doit expliquer qu’il ne faut pas nourrir les animaux sauvages, et dire aux services de la mairie dédiés aux espaces verts de laisser le bois mort sur place, de ne pas utiliser d’herbicide et de ne pas tondre. Le plus dur est de maintenir ces espaces au fil des ans.
On est encore dans une vision du « progrès » synonyme d’une canalisation de la nature ?
On est vraiment à un moment de basculement. Le camp des gens qui considèrent qu’il faut canaliser est encore très présent mais il y a une tendance. La renaturation des rivières fait des petits partout en France.