Si on cuisine soi-même les repas des enfants, il faut respecter quelques règles
Concernant « la forme » de ce que l’on donne à manger à son enfant, on a le choix entre des plats industriels et une cuisine « maison ». Les plats industriels « spécifiques bébés et enfants en bas âge » sont pratiques et adéquats sur le plan nutritionnel. Mais les plats « faits maison » sont plus économiques, plus variés, et permettent un meilleur développement du goût. Par exemple, les fruits et légumes utilisés dans l’industrie sont souvent les mêmes, le mélange des aliments ne facilite pas l’apprentissage de la saveur de chacun, la texture trop souvent mixée ne permet pas de découvrir l’éventail de textures qui existe entre les morceaux et la purée. Si on choisit de préparer soi-même les repas de ses enfants, il faut respecter quelques règles : le sel doit être limité; il faut éviter les graisses cuites et les fritures, mais il faut ajouter des matières grasses, crues de préférence, sur les légumes cuits à la vapeur ou bouillis : 1 à 2 cuillerées à café d’huile végétale (colza, noix, soja, maïs, olive), beurre ou crème fraîche. L’alimentation est souvent hyperprotéinée. Voici quelques exemples d’apports en protéines (viande, poisson, oeuf) : jusqu’à 10g/j entre 6 et 12 mois, 20g/j pendant la 2e année, 30g/j pendant la 3e année (1 cuillère à café de viande ou poisson mixé = 5g)
L’enfant est petit, il ne sait pas forcément ce qu’il aime
Dans notre société, les mères sont seules, et apprennent seules à devenir mères. Elles n’ont pas grandi entourées de soeurs plus âgées ayant des enfants, ou plein de frères et soeurs plus jeunes dont elles ont été les « petites mères ». Elles n’ont pas vu d’autres femmes éduquer, au quotidien, des bébés et des enfants. Elles n’ont qu’une idée théorique de ce qu’est « être mère ». Pour moi, c’est très pauvre, très triste, et c’est un des exemples de l’oubli du rôle de la vieillesse dans notre société. Une grand-mère aurait toute sa place dans l’apprentissage à devenir mère, si on arrive à sortir du cliché de la grand-mère envahissante qui prend la place de la maman. Bref, une grande partie de mes journées est passée à éduquer des parents, à dire, par exemple: « votre enfant est trop petit. Il ne sait pas s’il aime ou n’aime pas, puisqu’il découvre encore les goûts, et qu’il doit apprendre à accepter de nouvelles sensations».
Les phobies alimentaires sont rarissimes
Les troubles alimentaires sont, la plupart du temps, mineurs. Certains enfants sont de « petits mangeurs », chétifs mais sans réelle dénutrition. D’autres présentent des évitements alimentaires, et il faut notamment rechercher une anxiété chez l’enfant ou dans son environnement familial. Il a été montré que la présentation d’un nouvel aliment à un enfant doit souvent être répétée (jusqu’à onze présentations peuvent être nécessaires), et dans de bonnes conditions pour qu’il soit accepté. Seuls 3 à 10% des enfants développent de réels troubles précoces du comportement alimentaire. Les phobies alimentaires sont rarissimes. Dans la pédiatrie du quotidien, je commence souvent par dire aux parents de ne pas dramatiser le fait que leur enfant ne mange pas de fruits ni de légumes, mais plutôt d’essayer de créer un climat apaisé autour du repas, et de chercher des petites techniques pour qu’ils en mangent. Par exemple : je conseille de donner les fruits et légumes en début de repas. C’est le moment où l’enfant a le plus faim, et où il a le plus de chance de les manger. Il faut aussi savoir repérer les phases où l’enfant « teste les limites ». Il y a des moment où refuser de manger me parait du même ordre que refuser de dormir. Ne pas faire manger des fruits et légumes (parce qu’«il n’aime pas ») peut parfois être du même ordre qu’accepter que l’enfant dorme dans le même lit que les parents. Il faut surtout ne pas se dire que c’est alimentaire ou de l’ordre du sommeil : pour moi, c’est de l’ordre de la communication enfant/parent, du testage de limites. Et c’est là qu’il faut être ferme. »