En choisissant un titre aussi provocateur, « La fin des hommes : Et l’ascension des femmes », la journaliste américaine Hanna Rosin n’a pas fait dans la demi-mesure. Dans son essai de 300 pages, dont la presse américaine a longuement débattu, elle s’efforce de démontrer que, ça y est, c’est « la fin de 200 000 ans d’histoire humaine, et le commencement d’une nouvelle ère ». Sur quoi se base-t-elle ? Ce bouleversement supposé de notre quotidien est-il négatif ou positif ?
Une économie tertiaire dominée par les femmes
Premier constat, aujourd’hui, l’épouse américaine apporte en moyenne 42.2% des revenus familiaux, soit radicalement plus que les 2% à 6% des années 70. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à étudier et à accumuler les diplômes et elles investissent le monde des affaires ou de la politique en masse… Une évolution plutôt naturelle dans une société de plus en plus égalitariste, marquée par le déclin d’un monde ouvrier dominé par la gent masculine. « Les dernières statistiques montrent que les hommes n’ont jamais aussi peu travaillé depuis 1948. Dans l’industrie, près de six millions d’emplois ont disparu et à peu près le même nombre d’emplois ont été créés dans l’industrie du soin et des services, largement dominée par les femmes. Il est évident que cela créé une économie différente ». Cette économie de service se moque de la force physique mais préfère « l’intelligence sociale, la communication ouverte et l’habilité à rester immobile et concentrée », qualités qui « semblent venir facilement aux femmes », selon la journaliste. Qualités qui les ont longtemps desservies et qui sont désormais une force. Ainsi, « pour la première fois de l’histoire, l’économie globale est devenue un endroit où les femmes réussissent mieux que les hommes ». Dans la plupart des pays du monde, les femmes sont absentes des hautes sphères du pouvoir et leurs salaires irrémédiablement inférieurs ? Réponse d’Hannah Rosin : « Les derniers artefacts d’une période en voie de disparition, plutôt qu’une configuration permanente « .
Femme-plastique contre homme-cartonné
Mieux encore, ces transformations dans l’économie, qui ont fait perdre à l’homme non seulement son pouvoir économique mais également symbolique en le faisant dégringoler de son statut, se sont répercutées dans toutes les sphères de la vie. « Ils ont perdu la vieille architecture de la virilité, mais ne l’ont pas remplacé par une nouvelle ». Alors qu’en comparaison, les femmes se sont ruées sur le monde du travail et les nouvelles possibilités qui s’offraient à elles, montrant des trésors d’adaptabilité. Car tel est le cœur de la théorie d’Hannah Rosin. Eh oui, pour illustrer sa théorie, l’auteure a façonné un duo, façon bande dessinée : il y a la femme-plastique (« plastic woman ») et l’homme-cartonné, on n’ose traduire l’homme-en-carton (« cardboard man »). La première s’adapte constamment à un monde et à une économie en pleine mutation tandis que le second, fort rigide, reste accroché à de vieilles lunes, à ce modèle du passé qui l’a un jour privilégié.
Sont-elles plus heureuses?
A ceux qui lui ont reproché d’avoir écrit un livre qui transpire la haine des hommes, la journaliste rétorque : « à cause du titre et de la communication sur le livre, il est souvent perçu comme un manifeste feministe triomphant. Mais chacun de ces changements de société a en lui une part de liberté comme une part de déchirement. Pour les femmes éduquées, la réponse se trouve dans les statistiques sur le bonheur. Les femmes ne sont pas plus heureuses aujourd’hui que dans les années 70, lorsqu’elles avaient moins d’alternative. Et ce, parce que, majoritairement, elles en font trop. »
Inutile de crier victoire trop vite donc. Car les femmes ont investi le monde du travail comme les hommes, mais tant qu’elles devront s’acquitter d’une « seconde journée » en rentrant à la maison, elles auront du mal à s’épanouir, que ce soit dans leur vie personnelle comme professionnelle. Au-delà d’un partage des tâches domestiques, c’est tout une vision du couple et de la famille à repenser au quotidien.
Et vous, avez-vous l’impression que le rapport de force s’inverse ?