La renaissance du foot féminin français part d’un gros malentendu. Après avoir accueilli un duo d’humoristes en 1966 et un combat de Liliputiens catcheurs en 1967, Richard Gaud et Pierre Geoffroy, journalistes sportifs, se creusent la tête pour faire venir les foules pour le tournoi annuel organisé par l’Union de Reims, le journal local. Leur idée ? Faire venir une équipe de foot féminine.
Curiosité « érotico-comique »
« Ca tient plus du folklore que du sport si vous voulez mon avis », peut-on entendre dans un reportage radio de l’époque (dans un sujet de Radio France). « C’est une curiosité érotico-comique », lapide une femme. Pour d’autres, elles ont un « handicap physique irrémédiable ». Pourtant, le monde professionnel se rend compte quasi instantanément du potentiel sportif des joueuses. Un recruteur alsacien leur propose de faire la première partie d’un match masculin.
Et là, surprise, les jeunes sportives de la région Rémoise répondent présentes à l’appel, dont une trentaine rien que le premier jour. Et, non seulement elles sont intéressées mais en plus, elles ont un très bon niveau !
Mais remontons un peu plus loin. Si le tout premier match féminin de l’histoire s’est déroulé en 1885 à Londres, c’est vingt-deux ans plus tard, en 1917, que se joue la première rencontre de femmes en France, comme le rappelle le journal Le Monde. Après avoir connu quelques succès et pas mal de déboires, ce sport a subi une longue éclipse, avant, donc, de renaître dans les années 60. En 1968, à Reims, précisément.
Rapidement, l’équipe prend de l’ampleur et va jouer à l’étranger officieusement. En Tchécoslovaquie d’abord où le foot féminin était déjà plus développé qu’en France puis partout : Mexique, Etats-Unis, Asie. Peu à peu, l’équipe fait parler d’elle. Marlène Jobert, de passage à Reims pour présenter son film l’Astragale, et Jacques Weber deviennent les parrains de l’équipe. Pierre Geoffroy, journaliste sportif pour l’Union et très investi dans l’équipe féminine n’hésite pas à mettre en « Une » les matchs de l’équipe. En 1974, elle remporte le premier championnat de France officiel et en 1978, les championnats du monde à Taïwan, à égalité avec les Finlandaises.
Les copains du frère…
Pour Gigi, Renée, Isabelle, « Digibus » (Chantale) ou « Roro » (Roselyne), le foot, c’était avant tout pour se faire plaisir. Dans les années 60, elles étaient déjà très sportives et pratiquaient l’athlétisme. Certains ont voulu en faire des représentes du féminisme. Mais les joueuses n’ont aucune revendication particulière :
« Moi j’étais très timide et il y avait un terrain de football à côté de chez mes parents où je jouais avec les copains de mon frère, raconte Maryse, l’une des futures recrues. Et quand ils ont vu l’annonce, ils m’ont dit : « pourquoi tu ne t’inscris pas ? » Et je me disais : « Oh, non ! Oh non, j’ose pas ». Alors c’est eux qui m’ont emmenée au journal l’Union. Et c’est comme ça que je suis partie jouer au foot. »
Elles n’avaient pour ambition que de faire du sport en plein air. Et tant qu’à le faire, autant le faire sérieusement.
C’est ce sérieux, leur travail et leur talent qui ont été déterminants dans la renaissance du foot féminin en France. Aujourd’hui, la France est considérée comme l’une des plus fortes nations de football féminin sur le plan mondial comme le prouve son classement FIFA où elle se classe actuellement à la 4ème place.