Votre connaissance des chiens est limitée ? Vous arrivez tout de même à différencier un labrador d’un bouledogue, et un bouledogue d’un caniche (sinon, vous avez un problème). Eh bien sachez qu’il y a cent ans, vous auriez peut être eu un peu plus de mal. Pour cela, il n’y a qu’à feuilleter un livre de 1915 – « Breeds of all nations » ou « Races de tous pays », écrit par W.E Mason. Tenez, voilà ce à quoi ressemblait un bull-terrier il y a cent ans. Rien à voir avec le museau ultra bombé que ces chiens arborent aujourd’hui !
On a passé un coup de fil à Fanny Prorel, vétérinaire, pour en savoir plus.
Un bull-terrier de 1900 ne ressemble pas du tout à un bull-terrier de 2017. Pourquoi ?
« Au fur et à mesure des nouvelles générations, les caractères évoluent dans un sens voulu par les hommes. La sélection animale consiste à choisir parmi les animaux disponibles les reproducteurs qui vont procréer la génération suivante. Ce choix, plus ou moins raisonné au cours de l’histoire, répond aux besoins de l’homme, lesquels ont évolué au fil du temps. Les progrès de ces trente dernières années en sciences et techniques ont permis de perfectionner les méthodes de sélection (notamment des races bovines ou porcines). Ainsi, le processus s’accélère. »
Donc, on a toujours sélectionné les chiens ?
« La sélection des races, au début, était faite spontanément : on ne gardait que les chiens qui travaillaient bien, et ils se reproduisaient entre eux, du coup, le caractère qui convenait était sélectionné. Au début, les caractères « chasseur de gibier », ou « de garde », ou « dénicheurs de terrier », « de combat » étaient recensés, puis sélectionnés.
Les caractères purement esthétiques ou physiques ont commencé à être sélectionnés beaucoup plus tard, au 19e siècle, par la classe moyenne urbaine. C’est à cette époque que se créent les premières expositions canines, les premiers élevages, les premiers régistres destinés à la promotion et à la sauvegarde des races. La sélection des races canines est très développée, mais c’est la sélection des races bovines qui bénéficie sans doute des plus larges recherches ! »
Est-ce que ces sélections peuvent être mauvaises pour le chien?
« Certains caractères sélectionnés sont effectivement négatifs pour le chien. C’est le cas du caractère « brachycéphale » : cela correspond à un animal qui a une tête courte, ronde, avec un chanfrein inexistant. On retrouve (et sélectionne!) ce caractère chez certaines races de chien, comme les bouledogues, les carlins, les pékinois.. et de chats, comme les persans. Il s’agit de modifications anatomiques de plusieurs organes avec comme résulat : des narines étroites, un allongement du voile du palais, des modifications du larynx et de la trachée, des globes oculaires qui ressortent de la cavité… Et cela entraîne des difficultés respiratoires et oculaires : ronflements, intolérances à l’effort, à la chaleur, voire syncopes, qui rendent ces animaux très vulnérables. Leur espérance de vie peut être diminuée ! Certains chiens avec un caractère brachycéphale trop marqué sont même opérés pour réduire ces particularités trop prononcées (et pourtant sélectionnées!). Un autre exemple est celui du basset hound, dont le caractère « jambes courtes » peut être à l’origine de souffrances. Dire qu’à l’origine cette race était utilisée pour la chasse !
Chez le sharpei, le caractère « peau à plis » engendre des problèmes de peau parfois très difficiles à gérer, tandis que le berger allemand a vu la position de son arrière-train largement baissée ce qui rend ses déplacements moins faciles.
Si l’on continue à sélectionner ces caractères pourtant néfastes au chien, c’est pour des raisons esthétiques : un bouledogue avec un long nez ne sera pas « confirmé » c’est à dire que son phénotype (caractère visuel esthétique) ne sera pas conforme aux standards de la race, et il ne sera pas inscrit sur le livre d’origine et n’aura pas de pedigree. »
Le pékinois, un lion comme les autres ?
On se demande quelle mouche avait piqué les moines bouddhistes du 19e siècle. Dans « Le chien comme objet esthétique », Eva Galtier explique que grâce à un travail de sélection, ils sont arrivés à créer un joli chien miniature, le pékinois. Le but : symboliser le lion que Bouddha a réussi à dompter. Les pékinois deviennent des symboles sacrés, que seule la famille royale a le droit de posséder. En 1860, l’armée britannique se saisit de Pékin et ramène un chien à la reine Victoria… et ce chien devient la coqueluche de la cour. Grrraou.