Date de publication : 06/10/2022
Prix : 20 €
Editeur : Le Passager Clandestin
Myriam Bahaffou est doctorante en philosophie féministe. Des paillettes sur le compost est son premier essai. Après avoir consacré son mémoire de master et sa thèse à l’écoféminisme, elle aborde ce thème à travers un prisme intime et décolonial.
Partir de l’expérience quotidienne
Dans son livre, Myriam Bahaffou commence tous les chapitres en racontant une expérience personnelle, souvent banale, parfois propre à son métier de chercheuse. Ancrer sa réflexion dans le quotidien permet de la rendre accessible et incarnée. De ses rendez-vous chez l’esthéticienne à sa participation à une journée d’étude universitaire, en passant par des moments câlins avec son chat, elle nous fait voyager dans le cheminement de sa pensée. Une approche concrète et personnelle qui nous a permis de bien saisir l’importance du courant écoféministe.
Critique de l’écoféminisme à la française
Si Myriam Bahaffou se définit comme écoféministe, elle ne remet pas moins en question la façon dont ce mouvement est décrit et perçu dans notre société. À partir de ses recherches et expériences personnelles, elle déplore un écoféminisme blanc et bourgeois. Dès les premières lignes de l’introduction, on peut lire ceci : « Ce livre a pour but de réinjecter le mot « écoféminisme » dans des situations concrètes et localisées, propices à l’émergence d’analyses radicales qui m’ont paru nécessaires dans l’océan de greenwashing, de blanchiment et d’intellectualisation actuelles des écoféminismes. »
Pourtant, son enfance en milieu populaire serait, pour elle, l’ancrage de son écoféminisme. « En tant qu’écoféministe, je valorise la pauvreté dans laquelle je suis née comme une chance d’avoir très vite saisi la nécessité politique de la communauté, de la sphère domestique, du soin et de la famille […] mon rapport aux autres, aux animaux, aux plantes, aux groupes marginalisés en général, vient de cette identité. »
L’autrice appelle donc à repenser notre façon d’aborder les choses et à intégrer une vision décoloniale et de lutte des classes. Sans cette réflexion, une partie non-négligeable de la population ne peut se reconnaître dans l’écoféminisme. Le mouvement perd alors son sens. Pour appuyer ses analyses, l’autrice parle d’alimentation, de ruralités, de religions, de cultures, d’astrologie, de rapport au corps et au sexe, de rapport à l’État.
Un essai accessible
Enfin, et contrairement à ce que l’on pourrait reprocher à certains essais féministes, ou écoféministes, celui-ci est très impliquant. Chaque fin de chapitre présente une liste de recommandations permettant d’approfondir le sujet : livres, podcasts, documentaires.
Et, l’écriture de l’autrice, à la fois crue, honnête et personnelle, gomme la distance entre elle et son lectorat. De cette façon, l’essai est tout sauf culpabilisant. « Mon écoféminisme existe entre des valeurs anticapitalistes et une fascination pour le luxe, entre des milieux libertaires et une position de doctorante en philosophie, entre des luttes décoloniales et la saveur d’un chocolat chaud dont le cacao m’est tout droit importé d’Afrique, entre des semaines à occuper une forêt et l’avion d’où j’écris ces lignes aujourd’hui. » Le procédé d’écriture fonctionne, interpelle et nous amène à nous questionner et nous remettre en question.