Économiste franco-américaine, Esther Duflo, 50 ans, a consacré sa carrière à évaluer différentes méthodes de lutte contre la pauvreté. Pour ses travaux, elle a reçu en 2019 le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, dit « prix Nobel d’économie ». Un prix partagé avec son mari Abhijit Banerjee et son collègue Michael Kremer.
Comme pour la médecine, Esther Duflo et ses collègues ont mené des évaluations à partir d’essais randomisés et contrôlés sur des groupes test bénéficiant d’une mesure et de groupes témoins n’en bénéficiant pas. Appliqué à la science économique, ces méthodes ont ainsi permis d’évaluer l’efficacité de politiques publiques de lutte contre la pauvreté. Esther Duflo mise ainsi sur la micro-économie pour éclairer la macro-économie.
Généraliser les distributions gratuites
Esther Duflo a par exemple mis en évidence le fait que donner un kilo de lentilles près de centres de vaccination en Inde augmentait significativement le nombre de personnes vaccinées. N’ayant pas à se précoccuper de leur alimentation du jour, les gens peuvent ainsi se concentrer sur leur santé. Elle a aussi évalué l’impact positif d’un programme au Bangladesh qui a alloué aux plus pauvres un capital sous la forme de quelques animaux ou d’un pécule permettant de commencer un petit business tout en les accompagnant pendant 18 mois, leur permettant d’être 30 % plus riches, en meilleure santé et mieux éduqués.
Elle a également mis en avant qu’exiger un prix même faible réduit considérablement l’accès des pauvres à une aide ou à un produit pourtant essentiel et qu’en généraliser la distribution gratuite peut même favoriser plus tard son achat. La consommation de désinfectants pour l’eau en Zambie ou au Kenya a ainsi drastiquement diminué de 30 à 50 % lorsque leurs prix ont augmenté. Au Kenya encore, la vente de moustiquaires dans les cliniques prénatales a chuté de 60 % lors du passage de la gratuité à 0,60 dollar.
La pauvreté éradicable
Pour Esther Duflo, la pauvreté peut être éradiquée. Pour cela, il faut se défaire des clichés sur le sujet. « L’un des plus répandus est qu’aider les gens les rendrait paresseux et les encouragerait à profiter du système. Tous les dispositifs d’aide aux plus pauvres, que ce soit dans les pays riches ou dans les pays en développement, sont construits sur cette croyance et possèdent de ce fait une dimension punitive. Or nos expériences montrent que c’est le contraire qui est vrai : plus on aide les gens, plus ils sont capables de repartir d’eux-mêmes, plus ils sont aptes à sortir de la trappe à pauvreté dans laquelle ils étaient enfermés », a-t-elle expliqué au Monde en 2020.
Article passionnant qui remet en cause les idées reçues ; bravo !