Fini les coques pour smartphone en plastique jetable. Jean-Charles César et Maxime Prou ont imaginé une coque à base de canne à sucre et de liège, recyclable, avec un système de consigne, Ekoïa. Les premiers modèles devraient être livrés dans les prochains mois.
Comment est né Ekoïa ?
Jean-Charles César : Maxime [Prou] et moi sommes tous les deux ingénieurs de formation. Lui dans les télécoms et moi dans la plasturgie. Lorsque nous nous sommes rencontrés, en 2014, nous étions tous les deux consultants dans le management de l’innovation. Concrètement, nous accompagnions les chefs d’entreprise dans leur projet de R&D pour les aider à obtenir des financements. Cette expérience nous a beaucoup appris, mais nous avons rapidement été confrontés à un modèle d’entreprise très financiarisé. En parallèle, nous avons beaucoup voyagé. Maxime en Asie du Sud-Est. Moi, au Liban. Là-bas, nous avons été frappés par l’impact de la pollution plastique. Au Liban, ce sont des montagnes de déchets qui se déversent dans la mer. Au fur et à mesure, s’est développée notre volonté de faire notre part pour aller à l’encontre de cette pollution.
Pourquoi avoir choisi de fabriquer une coque de téléphone portable pour lutter contre la pollution plastique ?
L’idée nous est venue assez rapidement. C’est un objet auquel on fait peu attention. Il est pourtant dans toutes les mains. Et il est adossé à une industrie du smartphone avec un très fort taux de renouvellement. Tous les 24 mois environ. Le fait qu’il s’agisse d’un objet visible, au quotidien, était pour nous un bon vecteur de sensibilisation. Notre défi est de transformer cette coque en totem de la transition vers l’économie circulaire.
Quels ont été vos critères pour développer cette coque ?
Nous nous sommes beaucoup basés sur la vision de la fondation Ellen McArthur. Nous voulions tout d’abord une production locale. Nous avons donc choisi de travailler avec un formulateur basé en Normandie, un studio de design installé à Dijon et un plasturgiste, qui s’occupe de la fabrication des coques et de leur recyclage, implanté à Mâcon. Il était également important pour nous d’avoir un matériau recyclable ou réutilisable et un design qui nécessite peu de ressources. Nous avons donc pensé notre design pour qu’il soit le plus optimisé possible.
Quel matériau utilisez-vous pour la fabrication ?
Nous utilisons un matériau composé de bioplastique de canne à sucre et de liège (20 % environ). Il est 100 % recyclable et à 90 % biosourcé. Nous sommes obligés d’ajouter des adjuvants et additifs pour que la coque dure dans le temps par exemple. En fait, tous les bioplastiques intègrent ce type de composants, mais rares sont ceux qui le disent.
Qu’en est-il du bioplastique que vous utilisez ? Où et comment est-il produit ?
Actuellement, il n’existe malheureusement pas de fabricant de PLA [acide polylactique, un type de plastique] en France. Nous travaillons avec un acteur basé en Asie du Sud-Est. Mais nous nous sommes assurés qu’il s’agisse d’un acteur qui fait bien les choses. Et d’ici à 2024, il devrait y avoir des usines en France. En parallèle, nous essayons de maximiser la quantité de liège, issu de bouchons recyclés, dans notre matériau. Mais cela a ses limites.
Vous avez mis en place un système de consigne. Comment cela fonctionne ?
Nous voulions rester maître des objets que nous commercialisons et ne pas inciter les consommateurs à acheter, puis jeter. Le prix de départ de nos coques est de 40 euros. Sur ces 40 euros, il y a 10 euros de consigne. Lorsqu’une personne qui a acheté une coque Ekoïa voudra changer de téléphone et devra donc racheter une nouvelle coque, elle ne payera pas le prix de la consigne, bien sûr. Et elle bénéficiera d’une réduction sur le prix des coques. Ensuite, elle pourra nous renvoyer facilement son ancienne coque. Une fois réceptionnée, la coque sera nettoyée, broyée, puis réintégrée à la production.
Pourriez-vous proposer d’autres objets à partir de ce matériau par la suite ?
Oui, d’autres objets du quotidien. Mais par forcément avec le même matériau. Ce matériau a été développé et pensé pour son usage. Il ne serait pas nécessairement pertinent de l’utiliser pour un autre objet. Nous voudrions créer une sorte de matériauthèque, avec un panel de matériaux optimisés et maîtrisés.