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Entretien

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Anne Alombert : l’économie de l’attention

Peut-on y échapper ?

Anne Alombert : économie de l'attention © Archives personnelles

Paru le 17 septembre 2024

Ecrit par Perrine de Mon Quotidien Autrement

Anne Alombert est maîtresse de conférence en philosophie contemporaine à l’Université Paris 8. Membre du Conseil National du Numérique depuis 2020, elle a co-écrit, avec Olga Kokshagina, le rapport « Votre attention, s’il vous plaît !, Quels leviers face à l’économie de l’attention ? », publié en janvier 2022. Les conclusions qu’elle nous a partagées sur ce modèle d’affaire qu’est l’économie de l’attention sont édifiantes. Avec, notamment, d’importants impacts sur notre santé.

Pour commencer, pouvez-vous définir l’attention ?

L’attention désigne deux choses : l’attention psychique, au sens d’être attentif, donc la capacité à se concentrer sur un objet ou une activité ; et l’attention sociale, au sens d’être attentionné, c’est-à-dire la capacité à prendre soin des autres.

Dans le rapport du Conseil National du Numérique consacré à l’économie de l’attention, nous avons choisi d’entendre ce terme dans les deux sens que je viens de citer. Il est, en effet, difficile de les dissocier. Les modèles d’affaires des réseaux sociaux commerciaux fondés sur l’économie de l’attention exploitent l’attention psychique des individus, qui constitue pour eux une nouvelle ressource. De ce fait, ils affectent aussi notre capacité sociale à vivre ensemble.

Qu’entendez-vous par économie de l’attention ?

Il s’agit d’un modèle d’affaire : celui, aujourd’hui, des grandes entreprises numériques. C’était déjà auparavant celui des chaînes privées de télévision. Il consiste à capter l’attention des spectateurs ou des utilisateurs, afin de la revendre à des entreprises qui cherchent à transmettre de la publicité. L’idée, c’est que le spectateur regarde une émission qui capte son attention. Au milieu de cette émission, la chaîne diffuse des publicités pour Coca-Cola, qui paie la chaîne pour les diffuser.

Dans le cas des réseaux sociaux, le procédé est semblable, avec des possibilités de ciblage bien plus précises. Les réseaux collectent des données, et à partir de ces dernières, font tourner des algorithmes pour générer des profils. Et ce dans le but de transmettre aux utilisateurs des publicités personnalisées. Ces technologies sont des outils très puissants pour le ciblage publicitaire. De plus, sur certaines plateformes numériques, les individus peuvent céder de manière immédiate aux suggestions d’achat, en commandant des produits ou des services en ligne par exemple, ce qui rend les usagers plus vulnérables. Ce n’était pas le cas avec la télévision.

Vous venez d’évoquer les achats compulsifs, mais est-ce que ces procédés donnent lieu à d’autres types de dérives ?

Oui, bien sûr. Les contenus les plus poussés par les algorithmes sont ceux qui créent le plus de réactions immédiates. Des réactions d’enthousiasme, de colère ou de dégoût. Il s’agit souvent de contenus choquants, violents, mais parfois aussi de contenus drôles. Le but est d’inciter à diffuser le contenu et, ainsi, à participer à sa viralité. En promouvant principalement des contenus très sensationnels afin de maximiser l’engagement des utilisateurs, les réseaux sociaux commerciaux peuvent contribuer à la désinformation.

Cela peut aussi affecter les relations sociales. Quand les individus sont en permanence stimulés par des contenus visant à exciter leurs émotions, ils mettent en suspens leurs capacités de réflexion, mais aussi de prise de recul. Les opinions tendent alors à se polariser. Au lieu de débattre, de mobiliser des arguments, ils peuvent privilégier des propos potentiellement insultants, injurieux.

Quels systèmes les réseaux ont-ils mis en place pour capter l’attention de leurs utilisateurs ?

Il existe de nombreux designs persuasifs qui ont pour but d’influencer les comportements. Le scroll infini, par exemple. Il s’agit de faire dérouler toutes sortes de contenus à l’infini, sans jamais changer de page. Cette fonctionnalité a été développée pour que les personnes restent connectées le plus longtemps possible sans avoir à prendre de décision ni réfléchir. Ça maintient l’individu dans une position de passivité, et de potentielle addiction.

Les fonctionnalités de réaction, comme le fait d’aimer ou de suivre un contenu ou une personnalité par exemple, ne demandent pas d’effort non plus. Cela implique un comportement mimétique. Ce dernier engage à suivre ce que font les autres et non à réfléchir ou à interpréter leur propos. Par ailleurs, toutes les fonctionnalités qui reposent sur la quantification des vues sur les réseaux sociaux commerciaux, sous-tendent un rapport de compétition avec les autres.

Existe-t-il des réseaux qui ne fonctionnent pas sur ce modèle économique ?

Oui, c’est le cas de Wikipédia, par exemple. C’est aussi un réseau social, mais sur lequel vous pouvez contribuer de manière anonyme. Les vues ne sont pas quantifiées, et l’objectif est de participer à un projet commun. Il s’agit bien d’une plateforme numérique, mais les fonctionnalités techniques et les modèles économiques impliquent des comportements sociaux et intellectuels très différents.

Il y aussi Mastodon. C’est un réseau social sur le même modèle que Twitter, mais ne fonctionnant pas sur la collecte des données ni la publicité ciblée. Quant aux recommandations algorithmiques, vous pouvez les paramétrer vous-même.

À l’échelle individuelle, est-il possible de protéger nos données personnelles, échapper au ciblage et à cette économie de l’attention ?

Déjà, vous pouvez utiliser d’autres plateformes qui ne se fondent pas sur un modèle d’affaire publicitaire, comme celles dont je viens de parler. Il est aussi fortement recommandé de se ménager des temps de déconnexion où l’on prévoit d’autres activités.

Il est également nécessaire que la puissance publique prenne des mesures face à ce problème qui est aujourd’hui un problème de santé publique. La destruction de l’attention est très violente et massive, en particulier chez les jeunes générations. Dans le rapport du Conseil National du Numérique, nous avons avancé, à la fois des propositions dans le champ de l’éducation, de la régulation, et puis des propositions technologiques. Il est aujourd’hui préférable de valoriser des innovations numériques qui ne reposent pas sur la collecte et la revente des données. Tant que ces instruments-là seront dominants, il sera difficile de s’en prémunir à l’échelle individuelle.

 

Pour aller plus loin : 

Avis sur : Anne Alombert : l’économie de l’attention

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