On connaissait les chiens policiers, dresser à dénicher la drogue grâce à leur flair. Mais les canidés ont un odorat bien plus développé encore. De plus en plus d’études montrent qu’ils sont capables de détecter des maladies à l’odeur.
Le professeur Olivier Cussenot, chef du service d’urologie de l’hôpital Tenon, à Paris, travaille sur la question depuis plusieurs dizaines d’années. Il a étudié plus précisément la faculté des chiens à identifier le cancer de la prostate dans les urines. Et les animaux ont raison dans 95 % des cas environ.
Comment les chiens détectent-ils la maladie ?
Olivier Cussenot : Le cancer génère des molécules volatiles odorantes qui circulent dans le sang, les urines, la sueur… Les chiens, qui possèdent un odorat beaucoup plus développé que l’homme, sont capables de détecter ces molécules. Les canidés comptent environ 200 millions de récepteurs olfactifs alors que nous n’en avons que cinq millions. En réalité, nous ne connaissons pas la molécule, ou le groupe de molécules qu’ils identifient précisément. Ils reconnaissent cette odeur, de la même manière que nous identifions le goût salé, par exemple. Nous savons qu’un aliment est salé sans vraiment pouvoir expliquer comment nous le savons.
Ce spectre olfactif n’est cependant pas suffisant. Il est également question d’apprentissage. Les chiens avec lesquels nous travaillons sont des bergers malinois entraînés par l’armée.
Sont-ils capables d’identifier d’autres maladies ?
O.C. : Différentes études ont montré que les chiens étaient capables d’identifier des cancers de la prostate, mais aussi du colon, du poumon, ou encore de la thyroïde. D’autres études suggèrent qu’ils sont en mesure de détecter l’épilepsie, la tuberculose, ou encore un malaise hypoglycémique avant qu’il ne survienne. Mais les chiens ne sont certainement pas les seuls animaux à avoir ces capacités. Nous utilisons bien des rats pour détecter les mines anti-personnelles. Nombreux sont les animaux à avoir des facultés olfactives importantes et encore aujourd’hui très mal connues.
Vous développez actuellement un nez artificiel, en vous inspirant des capacités du chien. Pourquoi ?
O.C. : Ce nez artificiel permettrait, tout comme le font les chiens, la détection précoce du cancer dans les urines, grâce à l’odorat. En médecine, nous avons besoin d’une procédure standardisée, avec un taux de réussite mesurable et prévisible. Ce n’est pas le cas avec les chiens. Tous ne sont pas aussi performants. Leur formation est longue et ils prennent leur « retraite » au bout de cinq ans. Pour eux, détecter ces maladies s’apparente à un jeu. Lorsqu’ils grandissent, ils perdent leur appétence pour le jeu.
Par ailleurs, la démocratisation d’un test médical reposant sur la présence de chiens semble complexe à mettre en oeuvre. Actuellement, les chiens restent cependant plus efficaces que les nano-capteurs pour détecter la maladie. Mais nous n’en sommes qu’à la phase préliminaire de notre étude.