C’était à Bra, aux Etats-Unis. Carl Honoré, pionnier du « Slow Movement » et auteur de l’Eloge de la lenteur (et plus récemment, de Lenteur mode d’emploi) buvait un café avec l’italien Alberto Vitale, le fondateur du « Slow Sex » (ou « sexe lent » en français). Ce dernier lui a expliqué :
“Dans notre culture de la consommation, le jeu consiste à mettre rapidement quelqu’un dans son lit avant de repartir vers de nouvelles conquêtes. Ecoutez les conversations masculines – il n’y est question que du nombre de femmes, du nombre de fois, du nombre de positions. Toujours des nombres. Vous allez au lit avec une liste d’étapes à franchir. Vous êtes trop impatient, trop centré sur vous-même pour véritablement apprécier le sexe”.
Pour sauver la sexualité « de notre monde fou et vulgaire », le sociologue Alberto Vitale a donc créé, il y a 10 ans, le Slow Sex. Fini les galipettes expédiées et les corps qui s’empressent – parce que vous êtes fous de désir ou qu’il faut amener les enfants à l’anniversaire de la voisine? Pas vraiment. L’idée n’est pas de remplacer un diktat – la rapidité et la performance – par un autre – la lenteur à tout prix.
La « décélération érotique » et la méditation orgasmique
Il s’agit effectivement de ralentir, mais surtout de faire l’amour “en pleine conscience”, de mettre ses préoccupations du quotidien de côté, d’être créatif et de se laisser aller à l’exploration de l’autre et de ses désirs, sans forcément chercher un résultat.
Cette “décélération érotique” chère à Alberto Vitale n’est bien sûr pas neuve, et puise clairement dans le tantrisme ! Alberto Vitale n’est pas le seul à l’avoir théorisé. A San Francisco, le centre One Taste enseigne tout bonnement la « méditation orgasmique » et prêche, par la voix de sa fondatrice Nicole Daedone, le sexe lent.
“On a défini le terme orgasme selon la définition traditionnelle de l’orgasme masculin: un apogée (climax en anglais). L’orgasme est la capacité du corps à recevoir et à répondre au plaisir. Purement et simplement. Cet apogée fait souvent partie de l’orgasme, mais n’en est pas la somme totale. Faites cette distinction et rien n’est plus pareil. Vous découvrez que les femmes sont tout autant orgasmiques que les hommes – peut être même plus. Vous découvrez que les femmes veulent du sexe autant que les hommes – simplement, ce sexe là n’est pas au menu ! « On retrouve chez Nicole Daedone la volonté de s’extraire d’un culte du résultat.. et une approche féminine et féministe de la sexualité.
Slow Sex n’est pas défini, affirme-t-elle, par la vitesse ou la durée de l’acte, mais plutôt par ces trois ingrédients : oublier ce qu’on sait du sexe (ce à quoi il “doit ressembler”), se concentrer sur ses sensations, parler et exprimer ses désirs.
« Ce qu’on appelle les préliminaires, c’est déjà du sexe »
On a pu en discuter au téléphone avec Maia, qui habite dans le Sud-est de la France et qui est elle-même une récente et fervente adepte du Slow Sex.
« J’ai connu l’expression après l’avoir pratiquée ! Je sortais avec une prof de Yoga Kundalin lorsque j’ai découvert, avec elle, le « sexe en conscience » et le tantrisme. Par la suite, je me suis rendue compte que ça correspondait bien à la définition du Slow Sex. J’en avais ras-le-bol du côté ultra-sportif, du culte de la performance et la « consommation de l’autre »… Je relie beaucoup ça au mouvement Slow Food, plutôt qu’au tantrisme qui a un côté spirituel dans lequel je ne me reconnais pas.
Moi ce que j’en ai compris et qui m’a plu, c’était qu’il ne fallait rien faire dont tu n’aies pas envie. A chaque instant, tu es conscient de ce que tu fais, à fond dans chaque mouvement. Ce n’est pas du sexe à la va-vite ! Il y a aussi l’idée que l’orgasme n’est pas l’aboutissement systématique d’une relation sexuelle, donc tu peux très bien te contenter de caresses par exemple. Et puis, il n’y a pas forcément de pénétration, avec le côté « on va faire comme dans les films ! « . Même si ça peut arriver par la suite, après que tu aies eu le temps d’éveiller tes envies. Il n’y a pas de règles, simplement, les choses arrivent au moment où tu en as vraiment envie !
En fait, ce qui m’a fait plaisir, c’est que cette « méthode », sans même connaître son nom, correspondait à tout ce que j’avais toujours recherché. Par exemple, j’avais été frustrée avec mes partenaires par les « préliminaires ». Avec cette prof de yoga donc, ce qu’on appelle les préliminaires, c’était déjà du sexe. Et avec cette sexualité « en pleine conscience », tu n’es jamais « ailleurs ». Si tu commences à penser à autre chose, à la limite, mieux vaut arrêter. A mon avis, cette façon de faire l’amour, qui supprime toutes pressions en termes de résultats ou de fréquence, évite le piège des pannes de désir dans le couple.
C’est le meilleur sexe que j’ai eu en tout cas! «