Qui ne connaît pas, dans son entourage proche, des couples souffrant d’infertilité ? Pour avoir un enfant, ils ont opté pour l’adoption ou pour la procréation médicalement assistée (PMA). Ce qui était rare risque de devenir plus fréquent : les chercheurs constatent depuis quelques années une fertilité masculine en baisse.
Partout dans le monde
Une première étude réalisée en 2017 par des chercheurs de l’Université hébraïque de Jérusalem en Israël et de l’École de médecine du Mont Sinaï aux États-Unis constatait que le nombre de spermatozoïdes lors d’une éjaculation avait chuté de moitié entre 1973 et 2011. Cette étude n’avait analysé que des données en Europe, Amérique du Nord, Australie et Nouvelle-Zélande.
Outre la quantité, les données indiquent également une baisse de la qualité des gamètes masculins : le pourcentage de cellules capables de pénétrer dans l’ovule a considérablement diminué au cours des dernières décennies. Cet affaiblissement de la fertilité masculine ne concernait-il que le monde occidental ?
Problème intime et sociétal
Pour répondre à cette question, la même équipe de chercheurs a publié en 2023 une nouvelle étude. Ils ont inclus cette fois des échantillons de spermes d’hommes vivant en Amérique centrale et du Sud, en Afrique et en Asie et ont mené des analyses entre 2014 et 2019. Résultat ? La baisse de fertilité masculine concerne toutes les régions du monde. Le déclin s’est non seulement poursuivi pour atteindre 62%, mais il s’est accéléré : son rythme annuel a doublé depuis 2000.
Cela signifie que davantage d’hommes auront plus de mal à avoir un enfant, précise David Kristensen, toxicologue moléculaire à l’université de Roskilde au Danemark. Un problème qui dépasse la sphère intime et familiale, pour devenir sociétal. Certains pays comme l’Italie ou le Japon souffrent déjà d’une baisse de leur population.
Plastiques, pesticides et PFAS
Quelle est la cause de ce déclin généralisé ? La pollution plastique, les pesticides et les polluants éternels, présents partout dans le monde, ont été désignés responsables dans une étude publiée en 2022. Parmi les plastiques figurent les bisphénols (présents dans des plastiques rigides et des résines au contact de l’alimentation), les dioxines polychlorées (émises par les incinérateurs de déchets ménagers notamment) et certains phtalates (présents dans les plastiques souples). Des parabènes (présents dans certains cosmétiques et produits d’hygiène), ainsi que le paracétamol (un antalgique très utilisé) étaient également pointés par les chercheurs.
Ces substances capables de perturber le système hormonal agissent après une exposition in utero via la mère, lorsque le fœtus construit son système reproducteur. Une synthèse de la littérature scientifique disponible, publiée en novembre 2023 et relayée dans Le Monde, a montré que l’exposition à certains pesticides réduisait la concentration des spermatozoïdes dans le sperme d’hommes exposés tout au long de leur vie, et pas seulement in utero.
Les femmes aussi touchées
Les pesticides utilisés en agriculture, comme le glyphosate, sont également suspectés de jouer un rôle délétère sur la santé du système reproducteur féminin. Dans son expertise collective publiée en juin 2021, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) met en avant plusieurs études associant certaines familles de pesticides et l’endométriose, cette maladie qui favorise l’infertilité féminine.
D’autres travaux récents suggèrent que les PFAS, appelés « polluants éternels » sont également en cause dans l’altération de la fertilité des femmes. Ces substances, utilisées dans les emballages alimentaires, revêtements d’ustensiles de cuisine ou traitements des textiles et des cuirs, sont désormais partout, y compris dans l’eau que nous buvons et les aliments que nous mangeons.