Elle a consacré sa vie à lutter contre le cancer. D’abord auprès de ses patients, puis dans son laboratoire afin de mettre au point un test capable de détecter précocement le cancer. Jamais Patrizia Paterlini-Bréchot n’a baissé les bras. Aujourd’hui, cette professeure de biologie cellulaire et d’oncologie à la faculté de médecine Necker-Enfants malades est on ne peut plus proche du but.
Vous avez fait de la lutte contre le cancer votre mission. Comment est née cette « vocation » ?
Patrizia Paterlini-Bréchot : J’ai toujours été portée par le souci des autres et en particulier de ceux qui sont malades. Mon orientation vers l’oncologie trouve son origine au cours de ma première année d’internat. Le décès foudroyant d’un de mes patients atteint d’un cancer m’a beaucoup marquée. J’ai été frappée par l’impuissance de la médecine. J’ai alors décidé de consacrer toute mon énergie à aider les malades, d’abord en tant que clinicienne, auprès des patients, puis à travers la recherche, afin de repousser les limites de la médecine.
Après des années de recherche, vous avez mis au point, avec votre équipe, le test ISET, qui doit permettre de détecter précocement cette maladie. Comment fonctionne-t-il ?
P P-B : A partir d’un prélèvement sanguin, nous extrayons des cellules rarissimes, puis les examinons au microscope, afin de déterminer s’il s’agit de cellules tumorales. Le test ISET permet ainsi de savoir si le cancer a envahi le sang.
En quoi ce test représente-t-il une réelle avancée dans le dépistage du cancer ?
P P-B : Aucun test de la sorte n’existe actuellement. Aujourd’hui, deux pistes d’application existent. D’une part, pour les patients que l’on pense en rémission : si on détecte des cellules tumorales dans leur sang, c’est un signe que le cancer est encore malheureusement là. D’autre part pour les personnes qui présentent un risque de développer un cancer (les gros fumeurs par exemple): la présence de cellules tumorales dans le sang indique qu’un cancer risque de se développer. Le test peut donc être utilisé de façon préventive. Et demain, nous serons capables de déterminer de quel organe proviennent les cellules tumorales présentes dans le sang et de savoir ainsi si tel ou tel organe est touché par le cancer, bien plus précocement que par l’imagerie.
Quels ont été les principaux obstacles dans le développement de cette méthode ?
P P-B : Ils ont tout d’abord été techniques : il fallait arriver à faire ce qui n’avait jamais été fait. Développer un test sanguin qui apporte un réel bénéfice aux patients atteints du cancer. Puis convaincre que cette technique marche, non pas pour un seul mais pour différents types de cancers.
Ils ont ensuite été financiers : trouver les fonds pour lancer cette recherche et la porter ensuite au public présente des challenges au quotidien. Aujourd’hui encore, l’une des nos principales difficultés est de trouver de l’argent. Décrocher des financements à la hauteur du défi que l’on se pose est très complexe. La recherche est devenue horriblement chère.
Qu’est-ce qui vous a permis de venir à bout de ces obstacles ?
P P-B : Il ne faut jamais se décourager. Un chercheur qui se décourage n’est plus un chercheur. La réussite dépend ensuite de la détermination. De la quantité d’énergie intellectuelle et émotionnelle que l’on place dans son objectif.
Actuellement, un seul labo en France, Probio, à Paris 6, propose ce test. Il doit être prescrit par un oncologue. Ensuite, il faut se rendre sur place pour une prise de sang et dans un délai de 2 à 3 semaines un compte-rendu est envoyé au praticien. Le test coûte 486 euros et n’est, pour l’heure, pas remboursé par la Sécu.