1,1 milliard de tonnes. C’est la quantité de dioxyde de carbone rejeté dans l’atmosphère chaque année par le transport aérien. Soit 2,6 % de nos émissions de Co2 au niveau mondial. Et cette part augmente. A priori, cela semble peu compatible avec l’objectif de ne pas excéder une hausse de 2°C d’ici à 2100. Mais si on vous disait qu’il était possible de mettre au point un avion zéro carbone (parfois plus raisonnablement appelé avion bas carbone) et que des dizaines de chercheurs et d’ingénieurs travaillent sur le sujet, peut-être vous prendriez-vous vous aussi à rêver ! Sauf que ce rêve est encore bien loin de la réalité.
L’avion bas carbone, c’est quoi ?
C’est un avion qui rejette beaucoup moins de Co2 dans l’atmosphère. Plusieurs hypothèses sont évaluées pour atteindre cet objectif : l’utilisation d’agrocarburants, l’avion électrique, l’avion solaire, la compensation carbone… Mais la solution la plus avancée, celle sur laquelle le secteur fonde tous ses espoirs, c’est l’avion à l’hydrogène. Airbus a même lancé un projet visant à livrer un appareil basé sur cette technologie d’ici à 2035. L’hydrogène a en effet un avantage de taille : c’est l’élément le plus abondant dans l’univers. On en trouve dans l’eau, le gaz naturel, le charbon, le pétrole…
Pourquoi l’avion à hydrogène n’est pas zéro carbone
Parce que l’hydrogène n’est pas zéro carbone
Actuellement, 95 % de l’hydrogène est produit à partir de matières fossiles. Le procédé utilisé pour l’extraire (qui consiste souvent à chauffer très fort les matières fossiles) dégage du CO2, et même beaucoup. Dans le cas du gaz naturel, pour une tonne d’hydrogène produite, on rejette 10 tonnes de Co2. Pour que l’hydrogène soit vert, il faut le produire à partir d’eau et non de matières fossiles et électrolyser cette eau avec de l’électricité.
Deux problématiques se posent alors. D’abord, ce processus est plus gourmand en énergie. En fait, séparer l’hydrogène de l’oxygène (H2O) grâce à l’électrolyse demande la même quantité d’énergie que l’hydrogène fournira quand il brûlera et sera consommé. Surtout, pour que l’hydrogène soit vert, il faut que l’électricité utilisée le soit elle et donc issue d’énergies renouvelables. Sauf qu’il faudrait beaucoup beaucoup d’énergie renouvelable. Par exemple, pour alimenter les avions au départ de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, il faudrait l’équivalent d’un département français recouvert d’éoliennes. D’ici à 2050, 24 à 50 % de l’électricité bas carbone disponible devrait être dédiée à l’aviation pour que le secteur soit entièrement alimenté à l’hydrogène obtenu par électrolyse. Et dans ce cas, quid des autres secteurs ?
Parce que l’hydrogène prend de la place
Dans un avion où la gestion de l’espace est critique, la place occupée par l’hydrogène est problématique. Ce carburant est très volumineux en particulier à l’état gazeux. Mais même à l’état liquide, il a un volume quatre fois supérieur au kérosène. Il faudrait donc faire des avions plus gros, ou rogner sur la place des passagers.
Parce que l’hydrogène oblige à repenser le design des avions
Pour être conservé à l’état liquide, l’hydrogène doit être cryogénisé (-250°C, sous haute pression). Pour résister à cette pression, les réservoirs cryogéniques devront être de forme cylindrique ou sphérique. Actuellement, les réservoirs sont généralement allongés puisqu’ils sont logés dans les ailes de l’appareil. Remplacer le kérosène par de l’hydrogène implique donc de repenser le design des avions en positionnant le réservoir à l’arrière de l’avion ou en imaginant une aile volante adaptée.
Parce que l’avion à hydrogène rejette de la vapeur d’eau
La combustion de l’hydrogène ne rejette pas de Co2 mais de la vapeur d’eau. Sauf que la vapeur d’eau est elle aussi un gaz à effet de serre. Par ailleurs, la combustion de l’hydrogène rejette des oxydes d’azote (Nox). Si l’effet de ce gaz sur le réchauffement climatique est moindre, il dégrade la qualité de l’air et est mauvais pour la santé.
La solution, réduire le nombre de vols
A ce jour, « aucun scénario ne permet de rester dans un « budget carbone +2°C » à horizon 2050 si, comme le projette l’association internationale du transport aérien, le trafic aérien revient à son niveau de 2019 en 2024 et s’il poursuit son rythme de croissance d’avant la crise COVID », estime le collectif Supaero-Decarbo, qui rassemble d’anciens étudiants de l’école d’aéronautique. Pour eux, « la réduction progressive du trafic est le principal levier de réduction des émissions de CO2 et des effets climatiques hors-CO2 du transport aérien ». Pour réduire le nombre de vols, voilà les conseils du think tank The Shift Project :
- Supprimer les liaisons aériennes domestiques là où l’alternative ferroviaire (qui émet en moyenne près de 40 fois moins de CO2) est satisfaisante.
- Restreindre les avantages liés aux programmes de fidélité de type miles pour éviter le trafic aérien « d’opportunité ». Cela représente environ 50 % du trafic lié à l’usage de miles.
- Imposer la décroissance de la consommation moyenne annuelle de carburant, pour tous les vols touchant le territoire français. C’est possible en renouvelant les flottes, en densifiant les cabines, en diminuant la part des classes luxueuses, en augmentant les taux de remplissage.
- Informer et sensibiliser les passagers afin qu’ils prennent davantage conscience de l’impact de leurs trajets.
- Diversifier les activités des compagnies aériennes et reconvertir les 300 000 à 450 000 salariés du secteur, notamment dans le ferroviaire à grande vitesse, où de nombreuses compétences acquises dans l’aéronautique sont transposables.