Le vélo a la cote. Depuis la fin du confinement, sur les pistes cyclables, le trafic a augmenté de 29 %, selon l’association Vélo & territoires. Et même de 33 % dans les villes. Entre la météo estivale, la crainte de s’entasser dans les transports en commun et l’ouverture de plusieurs centaines de kilomètres de pistes provisoires, pas étonnant.
Ces « coronapistes », parfois tracées en une nuit dans le cadre du confinement, ont pour la plupart été maintenues. Dans certaines villes, cependant, comme à Saint-Étienne, Quimper, Besançon ou Amiens, elles ont été supprimées aussi vite qu’elles étaient apparues. Une décision que regrette l’ONG – le mouvement, qui a lancé une pétition pour qu’elles soient pérennisées. Pour Olivier Schneider, président de la fédération française des Usagers de la bicyclette, toutes n’ont néanmoins pas vocation à devenir permanentes. « C’est l’urbanisme tactique, qui a le gros avantage de pouvoir tester les aménagements et leur pertinence avant de passer à des pistes en dur, explique-t-il dans 20 Minutes. Cette étape, qu’on a souvent sautée par le passé, a conduit à des aménagements parfois mal conçus, mal dimensionnés ou au fait que le tronçon n’était peut-être finalement pas celui qu’il fallait rendre cyclable en priorité. »
Une ville cyclable accessible à tous
Ce n’est pas le tout de faire des pistes cyclables à gogo. Encore faut-il les faire au bon endroit, de la bonne manière, pour rendre le vélo accessible à tous. « Ouvrir des pistes, lorsqu’elles sont étroites, encourage les 5 % de cyclistes hyper rapides, ceux qui font les trajets domicile-travail et les livraisons, des publics en général assez lestes, plutôt jeunes, seuls et masculins, complète la géographe Sonia Lavadinho dans un entretien accordé au Monde. C’est mieux que rien, mais cela ne suffit pas. Car la vitesse peut décourager les autres, cyclistes occasionnels, familles ou seniors ».
Alors comment rendre une ville vraiment cyclable ? Réellement favoriser et inciter les déplacements à vélo ?
Réduire le trafic
« Pour une majorité de gens, faire du vélo n’est envisageable que si on leur garantit une expérience (quasi) sans voiture », rappelle le Guide des aménagements cyclables édité par l’association Paris en selle. Un vélo peut cohabiter avec des voitures s’il emprunte des rues où elles sont très peu nombreuses. Maximum 2.000 véhicules par jour. Dans une rue trop étroite pour accueillir une piste cyclable, par exemple, il faut réduire au maximum le trafic pour permettre la circulation à vélo. Ces rues dites apaisées, devraient constituer 80 % d’une ville en moyenne; et dans les 20 % restant de la voirie il faudrait installer des pistes cyclables.
Ralentir le mouvement
Diminuer le trafic routier n’est pas suffisant. « La meilleure solution pour assurer une cohabitation multimodale, c’est de ralentir la ville, indique Sonia Lavadinho, dans le Monde. Une illusion largement partagée consiste à croire qu’en voiture on roule à 50 km/h en ville. Or la vitesse automobile ne dépasse pas 18 km/h en moyenne, voire moins. » On fait certes des pointes à 50 km/h mais on roule parfois à moins de 10km/h. Selon elle, la limitation à 20 km/h voire 30km/h permet d’avoir une ville apaisée pour tout le monde. « Les rues sont beaucoup plus vivantes. On accorde alors une place au cycliste occasionnel y compris au gamin qui roule de travers à 8 km/h , mais aussi et surtout au piéton. » On passe d’une logique de couloirs prioritaires, où l’on a tendance à ignorer son environnement, à une logique « d’auto-organisation », où l’on ralentit et communique.
La piste cyclable idéale
La plupart des villes créent de nouvelles pistes cyclables. Pour qu’elles attirent les cyclistes, même occasionnels, quelques conseils à suivre :
- éviter les bandes cyclables (marquage, sans séparation physique), tout comme les voies de bus partagées, pas assez sécurisantes.
- favoriser la continuité des pistes. Il faut créer un maillage dans la ville.
- créer un espace distinct à la fois de la route et du trottoir et éloigné au maximum du trafic motorisé, pour limiter les expositions au bruit, à la pollution, à l’insécurité.
- prévoir des pistes assez larges pour permettre aux cyclistes de se doubler. Le trottoir doit lui aussi être assez large de sorte que les piétons ne soient pas tentés de marcher sur la piste. Le mieux est encore de prévoir une différence de niveau entre la piste et le trottoir.
- ne pas installer de place de stationnement le long de la piste, de sorte que les automobilistes ouvrant leur portière pour sortir du véhicule ne représentent pas un danger pour les cyclistes.
Désenclaver les périphéries
Si les centres-villes ont été plutôt vidés de leur trafic routier ces derniers années, c’est loin d’être le cas dans les zones périphériques, qui souvent sont conçues exclusivement pour la voiture. Alors même que les gens y pratiquent tout autant le vélo ou la trottinette. « Aujourd’hui, vous ne pouvez sortir de certains quartiers qu’en voiture ou en transports en commun, mais pas à pied ou en vélo. Il est urgent de développer les mobilités actives dans la banlieue [des grandes villes de province] et aussi les relier aux centres-villes par des pistes cyclables et des voies piétonnières, comme cela a été fait et souvent très bien pour le tramway », explique Sonia Lavadinho.
Dans la plupart des villes, les aménagements dédiés au vélo progressent. La fédération française des usagers de la bicyclette réalise une enquête chaque année pour les comptabiliser et faire un classement des villes les plus avancées en la matière.