Son père et son grand-père ont été chocolatiers avant lui. Bientôt, c’est son fils qui devrait prendre la relève. Chocolatier depuis 35 ans, Daniel Mercier est président du club des Chocolatiers engagés, une association qui œuvre pour un cacao responsable et une production respectueuse de l’environnement et des hommes.
Qu’est-ce que le club des Chocolatiers engagés ?
Daniel Mercier : C’est une association qui rassemble des artisans chocolatiers, des couvreurs de chocolat, des pâtissiers, etc. soucieux de l’avenir du cacao et des planteurs. Nous voulons créer une filière durable. Pour cela, nous avons mis en place un projet de filière en circuit court, durable et vertueux au Cameroun. Les artisans qui s’approvisionnent via cette filière peuvent être labellisés Chocolatiers engagés.
Comment est né ce projet ?
Nous sommes chocolatiers. Et on nous dit sans cesse que nous allons manquer de cacao. C’est notre matière première. Sans lui, nous ne pouvons rien faire. Et puis, il y a la question du travail des enfants. Parfois, j’ai honte quand je mets la main dans un sac de cacao. Je me demande si, indirectement, j’ai fait travailler des enfants. En tant que chocolatier, nous ne pouvons rester insensible à cette situation.
Il y a quelques années, nous nous sommes demandés, au sein de la Confédération des chocolatiers, si finalement, il nous était possible d’acheter le cacao un peu plus cher, sans que cela n’impacte trop notre fonctionnement ni le prix de notre chocolat. La réponse était « oui ». Le cacao ne représente que 30 à 35 % du prix du produit fini. C’est là qu’est née l’idée du label des Chocolatiers engagés.
Pourquoi créer un nouveau label alors qu’il en existe déjà de nombreux ?
Nous avons tous essayé différents labels. Mais ces labels sont chers. On ne sait jamais exactement où va l’argent. Et aucun ne répondait vraiment à tous nos critères. Nous voulions la traçabilité totale du cacao depuis la coopérative. Nous souhaitions mettre en place un prix minimum, payé directement au groupement de producteurs et que ce prix soit révisé tous les ans. Il était aussi important à nos yeux de mettre en place un système d’épargne salariale. Le travail des enfants devait bien sûr être interdit. Nous voulions que les plantations soient en agroforesterie et que les planteurs soient formés à des pratiques agricoles durables. Nous avions également besoin que les fèves soient fermentées et séchées selon un protocole précis, garantissant la qualité du cacao. Aucun label ne correspondait à ces critères.
Pourquoi avoir choisi le Cameroun ?
Il y a cinq ans, nous avons eu l’occasion d’aller au Cameroun, rencontrer les planteurs. Nombre d’entre eux n’avaient jamais goûté de chocolat. Ils avaient en moyenne 65 ans, récoltaient 300 kg de cacao à l’hectare. La filière n’était pas professionnalisée. Depuis, le gouvernement camerounais a lancé le programme « New Generation », qui vise à installer et former des jeunes, en leur donnant 3 ha. Nous nous sommes dit que nous voulions accompagner ce programme. Nous leur achetons directement leur production. Cela leur évite de passer par les grandes places de marché mondiales et divise par six le nombre d’intermédiaires.
Mais nous voulons créer d’autres partenariats avec d’autres pays. Je rentre tout juste de Colombie où je suis allé découvrir une filière. Je pars bientôt pour le Togo.
Combien de chocolatiers rassemblez-vous?
Nous sommes aujourd’hui 80. Pour l’instant, nous sommes limités car nous ne pouvons pas acheter suffisamment de cacao issu des plantations camerounaises. Mais nous grandissons tous les jours.