Thomas Abadie, connu sous le pseudo Mato, est tatoueur depuis douze ans. À 44 ans, il tient le salon La Vie Sauvage, qu’il a ouvert avec son épouse, Claire Abadie, en avril 2023. Situé au cœur de Toulouse, ce shop est un salon de tatouage éco-responsable. Une initiative encore balbutiante dans ce domaine. Et pour cause. La pratique est très réglementée, notamment pour des raisons d’hygiène. Ainsi, le plastique y est sur-utilisé car il permet de protéger les zones de travail. Ce n’est pas toujours simple de trouver des alternatives.
Pourquoi un salon de tatouage éco-responsable ?
Pour ma compagne et moi, dans notre vie de tous les jours, l’écologie prend beaucoup de place. Assez naturellement, elle s’est installée aussi dans notre vie professionnelle.
Avant, je travaillais dans un salon où chaque tatoueur achetait son propre matériel. Chacun faisait comme il voulait. Moi, j’achetais déjà du matériel éco-responsable. Aujourd’hui dans notre salon, c’est nous qui fournissons le matériel aux autres tatoueurs du salon. Et on essaie de faire mieux d’un point de vue écologique.
Quels sont les enjeux écologiques liées à la pratique du tatouage ?
Le problème principal, c’est le plastique. Nous utilisons beaucoup de plastique d’emballage. La surface sur laquelle nous tatouons doit être protégée, donc emballée, avec du cellophane, par exemple. Nous devons protéger le plan de travail où vont se trouver nos machines, nos encres, nos aiguilles, mais aussi les machines elles-mêmes. Si la machine que l’on utilise dispose d’un câble, il faut également l’emballer. Même si aujourd’hui, les machines sont de plus en plus sans fil. Tout ce qui peut être en contact avec l’encre, avec le sang, doit être enveloppé d’un film plastique.
Et puis, il y a aussi les récipients qui contiennent l’encre, que l’on appelle les caps. Ils sont aussi en plastique. Les gants, la plupart du temps, sont en latex ou en nitrile. La vaseline, utilisée pour hydrater la peau, est fabriquée à base de pétrole, etc. Sur tous ces points, il est possible de faire des efforts même si cela reste compliqué de pratiquer un tatouage éco-responsable.
Quels efforts par exemple ?
En ce qui concerne les emballages, il existe maintenant des alternatives faites à partir de fécule de maïs. Concernant les gants, il est possible de trouver du nitrile biodégradable. Ça reste du nitrile, mais il y a un processus permettant que ça se dégrade plus rapidement que le plastique. Pour remplacer la vaseline, nous utilisons des baumes naturels, bio et végan, souvent composés d’huile de coco et de beurre de karité.
Après, au niveau des encres, la plupart sont véganes et ne contiennent donc plus de composants d’origine animale. Les tests sur les animaux ne sont plus systématiques. Donc pour moi, ce n’est pas le réel problème. La plupart des encres sont aujourd’hui véganes, mais ce n’est pas toujours mis en avant. Même les tatoueurs n’étant pas sensibles à l’écologie en utilisent. L’effort le plus dur, ça reste les emballages.

Alors, comment vous vous en sortez avec le plastique ?
Depuis quelques années, des alternatives commencent à émerger. Quand j’ai commencé à m’y intéresser, c’était moins évident.
Certains fournisseurs proposaient des emballages en matériaux végétaux. Au lieu de prendre du plastique pour emballer les câbles, j’ai commencé à tester ces alternatives. Je m’y suis mis comme ça, au fur et à mesure, avec ce que je trouvais. Après, j’ai voulu aller plus loin. Je me suis dit : « Si ça existe, c’est quand même dommage de ne pas l’utiliser ».
Le frein principal, il est économique. Ça coûte plus cher. La différence était encore plus importante quand j’ai commencé. Après avoir testé, quand j’ai voulu passer à plus grande échelle, je n’ai pas réussi à trouver de fournisseurs capables de me fournir. J’ai dû importer, d’Angleterre principalement.
Mais, ces dernières années, j’ai remarqué une nette évolution. Maintenant, des entreprises françaises proposent des alternatives végétales. Ce n’est pas le cas de tous les fournisseurs, mais des grandes marques s’y sont mises. Le problème, c’est que ce n’est pas suffisamment mis en avant. Beaucoup de tatoueurs ne sont pas au courant. Il faut déjà avoir conscience de la problématique et chercher des solutions pour accéder à ces gammes.
Arrivez-vous à répercuter le coût financier de ces alternatives?
À mon sens, nous ne pouvons pas. Surtout dans cette période où l’économie n’est pas bonne. Proposer des tatouages plus chers, sous prétexte que nous utilisons une matière biodégradable, ce ne serait pas rentable. La plupart de nos clients ne sont pas là pour ça.
Même si c’est la motivation de certains pour venir dans notre salon, ou que d’autres sont contents que nous fassions cette démarche, la majorité des clients nous contactent pour nos qualités artistiques. Le côté éco-responsable reste secondaire.
Au salon, nous mettons à disposition des prospectus qui expliquent notre démarche et en particulier l’utilisation de toutes ces alternatives au plastique. Nous essayons de communiquer sur ce point. Parfois, certains clients nous questionnent sur le sujet, mais ça reste rare.
Il y a un manque de communication et d’information important sur le sujet. Les tatoueurs qui travaillent avec moi, par exemple, n’ont pas choisi de venir travailler au salon parce que nous avons mis en place cette démarche. Ils ne savaient même pas que c’était possible. Mais ils y ont adhéré.