C’est officiel depuis le 1er janvier 2022 : dans les cantines scolaires, les menus doivent désormais inclure 50% de produits durables et de qualité, dont 20% d’aliments bio. C’est grâce à la loi Egalim, adoptée en 2018. Et c’est une vraie attente. Selon le baromètre 2021 de consommation et de perception des produits biologiques en France de l’Agence bio, 39 % des Français sont « très intéressés » par des repas avec des produits écologiques à l’école. Et 41 % se disent « plutôt intéressés ».
Dans les faits, difficile de savoir exactement où en sont les restaurants scolaires.Les chiffres diffèrent.
En 2019, selon l’Agence bio, le bio pesait 4,5 % des dépenses alimentaires de la restauration collective. Selon l’observatoire de la restauration collective bio et durable, c’est beaucoup plus. D’après son enquête 2021, les restaurants intègrent en moyenne 37 % de produits bio. Et à l’automne 2020, l’association des maires de France (AMF) annonçait encore des chiffres différents. Elle estimait que seules 36 % des collectivités seraient en mesure de respecter la loi Egalim au 1er janvier 2022. Et que c’était principalement les petites communes (moins de 10 000 habitants) qui rencontraient des difficultés. A l’époque, près d’une collectivité sur cinq avouait ne pas connaître la part de bio servie dans les repas.
La barrière du coût
La première difficulté rencontrée est le coût. Selon l’enquête de l’AMF, l’approvisionnement en produits de qualité et durables engendre un surcoût de 10 % à 20 % pour 55 % des collectivités, et de plus de 20 % pour 31 % d’entre elles.
Parmi les autres difficultés rencontrées, les contraintes logistiques et le manque d’information sur les offres locales, pour les communes de moins de 10 000 habitants et les intercommunalités. Dans les villes plus importantes, c’est l’insuffisance de l’offre de produits bio à l’échelle locale, les contraintes des marchés publics ou encore l’incapacité des producteurs à répondre aux cahiers des charges qui posent problème.
Néanmoins, un quart des collectivités interrogées a réussi à pallier la hausse des coûts grâce à d’autres actions, comme la lutte contre le gaspillage, la réorientation de la politique d’achats vers des produits locaux, ou encore l’introduction d’un menu végétarien, moins coûteux.
L’observatoire de la restauration collective rappelle d’ailleurs que les denrées représentent au maximum 25% du coût global d’un repas en restauration collective. D’après lui, « il n’existe pas de corrélation significative entre la part de bio (en valeur d’achat) et le coût denrées par repas ».
Une démarche globale dans les cantines
Les collectivités qui ont le plus de facilité à appréhender la transition vers le bio sont celles qui adoptent une approche globale. « Quand les collectivités engagent le virage du bio dans les cantines, la question de l’approvisionnement local n’est jamais loin », souligne l’observatoire. D’ailleurs, la part de local dans les composantes bio est plus élevée chez les cantines les plus avancées que chez les cantines à moins de 20% de bio.
L’arrivée du bio peut aussi s’accompagner d’un renouvellement de l’approvisionnement en matières premières et d’une réorganisation en interne. La question du foncier agricole est régulièrement posée (régies agricoles, fermes municipales ou départementales, ceintures nourricières…). Et des projets de sensibilisation à destination des élèves et/ou du personnel peuvent être mis en œuvre. Parmi les autres actions qui accompagnent le passage au bio, on peut citer la réduction du gaspillage alimentaire, la baisse de l’utilisation du plastique, la reprise de la gestion de la restauration par les collectivités ou l’introduction de repas végétariens.
Gare au recours aux industriels
Cependant, il peut aussi être tentant, pour les cantines, de se tourner vers les industriels, parfois mieux armés, pour l’approvisionnement en produits bio et de qualité et durable. « Imposer un passage en deux ou trois ans à 50 % de produits ‘de qualité et durables‘ dans les cantines sans, dans le même temps, former les cuisiniers et les économes à se fournir et à travailler avec les produits locaux, c’est ouvrir en grand la porte aux industriels du secteur », alertent Marc Perrenoud et Pierre-Yves Rommelaere, auteurs de Une autre cantine est possible (Éditions du Croquant, 2021), dans Reporterre. « Ceux-ci ont de très bons services marketing et savent parfaitement coller aux tendances qui dominent le marché. » Mais les produits qu’ils proposent dans les cantines sont « ultratransformés et avec un mauvais bilan carbone », regrettent-ils.