Plus de 150 licenciements, une grève depuis fin août, et des nappes phréatiques vides. À Vittel, dans les Vosges, mettre de l’eau dans des bouteilles en plastique pour la vendre ne va plus de soi. En effet, la nappe d’eau souterraine profonde des grès du Trias inférieur ne se reconstitue plus. Bien au contraire ! Elle perd près d’un million de mètres cubes par an, de l’aveu même de Nestlé Waters. La ressource n’est pas inépuisable, et il n’est plus possible de le nier au vu de la vigueur du réchauffement climatique : les vagues de sécheresse se multiplient. Voilà pourquoi Nestlé licencie à tour de bras – le groupe évoque aussi la fin de la commercialisation de la marque en Allemagne. Le hic, c’est que la multinationale suisse sait que cette nappe baisse depuis… les années 1970, grâce à des études publiées à l’époque par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM).
1,3 milliard de bouteilles d’eau minérale par an
Mais la puissance du géant suisse est telle qu’on en arrive à des absurdités. Exemple, en 2016, il était prévu de construire un pipeline pour alimenter les habitants de Vittel et Contrexéville en eau potable puisée à quelques kilomètres… et permettre à Vittel de continuer à pomper. Devant la bronca, le projet a été abandonné 3 ans plus tard.
L’eau est prélevée pour l’alimentation en eau potable, pour l’agriculture et par les entreprises locales – pour faire du Munster mais aussi et surtout pour les bouteilles d’eau Vittel. Exemple avec la nappe du Muschelkalk cette fois : en 2021, les prélèvements pour l’embouteillage – il s’agit des bouteilles à bouchon rouge, Vittel Grande Source – s’élevaient à près de 900 000 mètres cubes. « C’est un réel monopole que s’octroie Nestlé sur une ressource en eau qui n’est censée appartenir à personne, si ce n’est aux populations locales pour subvenir à leurs besoins vitaux d’alimentation en eau potable« , écrivait France Nature Environnement.
Pas facile, pour les écologistes, de mener bataille quand on sait que cette dernière vend 1,3 milliard de bouteilles d’eau minérale par an (Vittel, Hépar et Contrex). Avec de réelles retombées économiques sur le territoire. Pas facile, non plus, quand l’État comme le géant suisse soutiennent que tout va bien. Même l’Autorité environnementale, une instance ministérielle, s’étonnait des décisions prises par le gouvernement (en gros : pomper un peu moins, et dans plusieurs nappes !).
« Nestlé a phagocyté toute la main-d’œuvre ici »
Du côté des élus locaux, ça bouge un peu. Tout autoriser au nom de l’emploi sans réfléchir à, justement, le diversifier, montre ses limites. « On a mis du temps, trop de temps, reconnaît Luc Gerecke. L’omniprésence de Nestlé a phagocyté toute la main-d’œuvre ici pendant des décennies », dit au Monde le maire de Contrexéville, Luc Gerecke (Divers droite). Et empêcher d’autres entreprises de s’installer.
Nestlé Waters est loin d’être la seule multinationale à pomper l’eau – un bien commun – pour la revendre. Arte y avait consacré tout un documentaire : À sec, la grande soif des multinationales.
La bonne nouvelle, c’est que la solution est simple : optez pour l’eau du robinet !