La lutte s’accélère. Alors que seize personnes mènent toujours une grève de la faim, le gouvernement et les autorités locales ne bronchent pas. Alors que Thomas Brail, le militant le plus médiatique, ne mange plus depuis un mois et annonce une grève de la soif dès aujourd’hui, mardi 3 octobre, le projet d’A69 est toujours sur les rails. À 48 ans, le fondateur du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) et membre du collectif La voie est libre met pourtant, très clairement, sa vie en danger en défense de la protection de la nature. « On garde espoir que le gouvernement se réveille », a-t-il dit dimanche 1er.
Les faits sont pourtant clairs : il y a tout pile un an, l’Autorité environnementale rendait un avis défavorable à ce projet d’autoroute Toulouse Castres. Elle jugeait le projet « anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété ». Las, les travaux ont commencé : bulldozers, abatteuses, bétonnières ronronnent déjà. Mais la lutte continue : les 21 et 22 octobre, La Voie est libre organise une manifestation « Ramdam sur le macadam » le long du tracé de l’A69.
Voici quelques témoignages d’hommes et de femmes qui ont mis leur corps en jeu pour lutter contre la destruction du vivant.
Olga, 21 ans –
« Je fais cette grève de la faim, car j’ai l’impression que c’est mon dernier recours dans cette lutte », témoigne Olga, 21 ans, dans un billet. Quand elle a commencé (le 7 septembre) elle pesait seulement 45 kilos. « Si je ne parviens même pas à aider à arrêter un projet de ce genre, aussi incohérent et décrié qu’il soit, quelles perspectives d’avenir dois-je envisager pour espérer vivre dans un monde non pas “meilleur”, mais au moins plus vivable ? Depuis plusieurs années que je lutte pour l’écologie et la justice sociale, depuis que j’ai pris conscience de l’ampleur du ravage en cours, j’ai tout essayé ; les marches pour le climat, les pétitions ; enfin la désobéissance civile sous toutes ses formes… Et nous avons également tout essayé, dans cette lutte contre l’autoroute la plus critiquée de France. Mais rien ne change, quoi qu’on fasse, la machine en face est trop puissante.»
Marion, 41 ans –
« J’éprouve une infinie tristesse à voir le paysage familier défiguré, les arbres tomber, assure Marion, agricultrice, qui habite tout près du tracé de l’A69. Les arbres majestueux, mais aussi les bosquets modestes, les haies, les fosses écrasées où la vie foisonnait encore, il y a peu.
J’éprouve de la colère quand je contemple, impuissante, les terres agricoles condamnées qui ne donneront plus les récoltes qui auraient pu servir à la résilience alimentaire de notre territoire et qui nous manqueront peut-être cruellement bientôt.»
Matthieu, 46 ans –
Matthieu, lui, assure que « nous devons sortir de la voiture individuelle. Je me souviens qu’en 2007, durant le fameux Grenelle de l’environnement — dont il n’est rien sorti —, l’idée d’un moratoire sur les constructions d’autoroutes avait été lancé, mais seize ans après, toujours aucune avancée ! La France possède le deuxième réseau routier le plus dense au monde (qui coûte une fortune aux collectivités locales, donc à nous), faut-il encore en ajouter ? »
Le 26 septembre, le ministre des Transports Clément Beaune a annoncé l’arrêt de quelques projets autoroutiers. Mais… pas celui de l’A69. Seule concession, il a assuré vouloir en « réduire l’impact environnemental ». Comme le résume Christophe Cassou, climatologue et premier auteur du dernier rapport du Giec, c’est un « projet absurde, climaticide, qui coche toutes les cases d’un monde obsolète. Réveillez-vous ! Nous sommes en 2023 ! »