Date de sortie : 01 septembre 2021
Réalisateur : Sylvain Lepetit, Miyuki Droz Aramaki, Sébastien Séga
Apparu dans les années 1990 en Europe, les néonicotinoïdes sont des insecticides utilisés de façon préventive contre les ravageurs de culture aujourd’hui présents partout. Jusque dans l’urine des nouveaux-nés, nous apprend le documentaire « Insecticides : Comment l’agrochimie a tué les insectes », diffusé sur Arte pour la première fois en 2021 et rediffusé récemment.
Inspiré de l’enquête menée par le journaliste Stéphane Foucart « Et le monde devint silencieux – Comment l’agrochimie a détruit les insectes » (Éditions du Seuil, 2019), ce film revient sur le développement de l’utilisation de ces insecticides. En partant d’un constat stupéfiant : 80% de la biomasse des insectes ailés a disparu depuis les années 1990 en Europe. « C’est la pire extinction de masse que la planète ait vécue », alerte à l’écran l’entomologiste américain Jonathan Lundgren.
Des insecticides passés de produits miracle à tueurs non sélectifs
Pour mieux comprendre cette hécatombe, le documentaire nous emmène à la rencontre de scientifiques, d’agriculteurs, de portes-parole d’ONG et eurodéputés afin de comprendre les raisons de l’usage des pesticides et leurs effets sur l’environnement. Ils racontent comment les néonicotinoïdes, directement enrobés sur des semences, ont permis de protéger l’ensemble des parties de la plante des insectes, sans même attendre l’apparition des ravageurs de culture. La plante est alors devenue elle-même un insecticide.
Au point de cibler les abeilles, mouches, bourdons… qui assurent pourtant la pollinisation des plantes et contribuent indirectement à la production des fruits et légumes comestibles. Les néonicotinoides agissent aussi sur les vertébrés (batraciens…). Molécules solubles dans l’eau, ces insecticides migrent également avec les eaux de ruissellement et se retrouvent dans les rivières et lacs où ils s’imprègnent dans les plantes aquatiques.
Dans le deuxième plus grand lac du Japon, où nous emmène le documentaire, c’est tout un écosystème qui a été chamboulé en l’espace d’une année seulement. Après les premières utilisations des néonicotinoïnes en 1993 sur les champs à proximité, les poissons ont peu à peu disparu à cause de l’extinction des invertébrés dont ils se nourrissent.
Des alternatives et des études passées sous silence par l’agrochimie
Mais des alternatives existent, que le film explore ensuite. Comme en Italie, dans la région du Po, qui comprend les terres parmi les plus fertiles d’Europe. Un agronome y a mis en place des essais à partir de 1984, afin de comparer cultures avec et sans pesticides. En suivant les populations de ravageurs, il a pu démontrer que dans seulement 1% des cas, un usage de pesticides en préventif s’avérait efficace. Pour compenser les éventuelles – et très rares – pertes de rendement, il a également mis en place un fonds mutuel permettant de les compenser et donc de convaincre plus d’agriculteurs de s’en passer.
Perturbateurs endocriniens, impliqués dans le développement de cancers et affectant le neurodéveloppement des embryons et jeunes enfants, les principaux néonicotinoides ne sont pourtant interdits que depuis 2018 au sein de l’Union européenne. En cause, le lobby agro-industriel. Technologie aux mains de quatre mastodontes de l’agrochimie, le suisse Syngenta, les allemands BASF et Bayer depuis fusionné avec l’américain Monsanto, ces entreprises ont continuellement cherché à faire barrage aux études de plus en plus nombreuses et accablantes sur les impacts de ces insecticides.
Au sein de l’Union européenne, les principaux néonicotinoïdes sont interdits depuis 2018, mais ces insecticides restent utilisés sur dérogation.