Depuis trente ans, c’est la même rengaine. A chaque nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – le premier date de 1990 – le constat est le même. Ou pire encore. Les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, les animaux se déplacent vers le nord, les feux de forêt, les périodes de sécheresses et les inondations sont plus nombreux, la montée des eaux et la fonte des glaciers se poursuivent, la banquise recule.
Et « si ne serait-ce qu’une infime partie du carbone présent dans les fonds marins de l’Arctique est libéré dans l’atmosphère, on est foutus », pour reprendre les propos on ne peut plus directs du climatologue américain Jason Box, qui a passé des années à étudier l’Arctique au Byrd polar and climate research center, dans l’Ohio.
If even a small fraction of Arctic sea floor carbon is released to the atmosphere, we’re f’d.
— Jason Box (@climate_ice) July 29, 2014
Les scientifiques multiplient les rapports, les conférences, les interviews et autres interventions publiques pour mettre en garde le public et les politiques. Mais bien souvent, ils ont l’impression de brasser de l’air. Les politiques évoluent peu. Tout comme les budgets consacrés à la protection de l’environnement.
Le découragement des scientifiques
« Les signaux ne sont pas à l’orange, ils sont tous au rouge clignotant. On écoute trop peu les scientifiques qui travaillent sur ces questions-là. Ce sont un peu les vigies en haut du mât qui avertissent de ce que les autres ne peuvent pas voir. On crie depuis quarante ans et le bateau va toujours dans la même direction », déplore Jean-Pascal van Ypersele, éminent climatologue belge, dans l’Echo.
Résultat, les scientifiques du climat ont le blues. Ils sont frustrés, découragés. Les témoignages se multiplient. « On a l’impression d’être toujours annonciateurs de mauvaises nouvelles », déplore Benjamin Sultan, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), sur France Info.
« Il y a un peu parfois l’impression d’observer une tragédie grecque. Vous savez ce qu’il va se produire et vous voyez les choses se produire », complète Valérie Masson-Delmotte, chercheuse en sciences du climat au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement de Paris-Saclay, toujours sur France Info. Camille Parmesan, corédactrice des rapports du GIEC, s’est, quant à elle, publiquement déclarée en « dépression professionnelle » .
Un manque de reconnaissance
Toujours dans l’Echo, Celia Julia Sapart, chercheuse en climatologie et océanographie au Fonds de la recherche scientifique, explique qu’elle a un temps songé à arrêter la recherche. Elle raconte : « Il y a un tel manque de reconnaissance de notre métier. On ne nous dit jamais rien de positif, on doit tout le temps se battre, se défendre. On manque tellement de financement. Parfois, je me suis sentie seule, comme abandonnée de tous. Ça m’est arrivé d’en pleurer : après une mission de plusieurs mois en Antarctique – où les conditions sont très dures, où on a cumulé les problèmes techniques, où on est loin de ses proches –, je suis rentrée et j’ai croisé quelqu’un qui m’a dit « Ah ces histoires de changements climatiques, ça me fatigue ». Ça nous blesse, personnellement. C’est comme si tout notre investissement ne servait à rien. »
La littérature sur le sujet s’étoffe d’ailleurs également. L’an passé, l’environnementaliste Lesley Hughes a publié un article dans The Monthly intitulé « Quand la catastrophe planétaire est votre boulot quotidien ». Elle y raconte la motivation, mais aussi le désespoir des chercheurs devant la tâche qui leur incombe.
Déjà en 2014, la géographe australienne Lesley Head avait consacré une étude au moral des climatologues dans son pays. Dans le Monde, elle raconte que la plupart d’entre eux « insistaient sur la nécessité de ne pas laisser leur recherche être affectée par leurs émotions; ils cloisonnaient le plus possible travail et vie privée; ils employaient souvent l’humour pour dédramatiser… ».
Que faire pour ne pas nous laisser gagner par la déprime
Alors faudrait-il sombrer dans le désespoir ? Certainement pas ! Le score d’Europe-écologie-les Verts, aux élections européennes est encourageant. Les écologistes apparaissent comme la troisième force politique en France. A l’échelle mondiale, le poids des climato-sceptiques recule.
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