Récolter les cheveux coupés pour en faire des boudins capables de dépolluer les océans et les ports : c’est la proposition de Thierry Gras, qui a fondé l’association Coiffeurs justes en 2015.
Comment vous est venue l’idée de réutiliser les cheveux pour la dépollution des océans ?
L’idée n’est pas tout à fait de moi. Déjà en 1978, lors du naufrage de l’Amoco Cadiz, les pêcheurs, qui avaient d’abord tenté de contenir la pollution avec leurs filets, avaient ensuite eu l’idée d’ajouter des cheveux pour absorber les hydrocarbures. Je me suis souvenu des images du pétrolier au large de la Bretagne, à la télévision. En 2010, aux Etats-Unis, l’association Matter of trust avait aussi utilisé les cheveux après l’explosion de la plateforme Deepwater.
En 2014, j’ai créé une licence de marque, l’équivalent d’une franchise. J’ai alors voulu proposer l’égalité de tarifs entre hommes et femmes et le recyclage des cheveux. Cela faisait trente ans que je pensais à cette question du recyclage. Les cheveux représentent 50 % des déchets d’un coiffeur. Je pensais qu’il existait déjà des solutions en France, mais rien. Je me suis alors souvenu de ce que j’avais appris dès le CAP sur les qualités du cheveu : lipophile, imputrescible, isolant, élastique… Le cheveu dispose de caractéristiques très intéressantes pour la dépollution. J’ai donc créée l’association Coiffeurs justes pour mettre au point une solution de recyclage des cheveux coupés.
Comment fonctionne Coiffeurs justes ?
Les coiffeurs qui le veulent adhèrent à l’association. Nous leur demandons 25 euros par an. Ils peuvent ensuite commander des sacs à cheveux (un euro par sac) qui leur permettent de nous envoyer les cheveux coupés de leurs clients. Un sac peut contenir plus de 200 coupes. Nous récupérons tous les cheveux, sans distinction, mis à part les mèches de plus de 30 centimètres, qui sont utilisées par des associations engagées dans la lutte contre le cancer comme Fake hair don’t care. Nous comptons aujourd’hui 5.000 salons partenaires.
Les cheveux coupés sont en suite envoyés dans un ESAT, qui conçoit des boudins de cheveux capables de capter les pollutions et hydrocarbures dans l’eau. De tels boudins existent déjà, mais ils sont fabriqués à partir de matières synthétiques et sont moins efficaces.
Ces boudins de dépollution sont-ils déjà utilisés dans les ports ?
Nous avons créé cet été une société, Ecofhair, afin de commercialiser les boudins. Nous les avons déjà mis en place dans le port de Cavalaire. Si tout se déroule comme prévu, ils devraient prochainement être installés dans les 150 ports de Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Nous avons aussi des discussions concernant le lac Léman, le bassin d’Arcachon…
Quelle est la prochaine étape ?
D’une part, nous voudrions impliquer les collectivités, afin qu’elles mettent des containers à disposition des coiffeurs. Actuellement, ces derniers envoient les cheveux coupés à leurs frais. D’autre part, nous pensons dupliquer le concept dans les pays européens limitrophes. Nous avons beaucoup de demandes de la part de coiffeurs implantés dans ces pays.