Boire un verre dans un café avec ses proches, cela semble tout naturel. Pourtant, pour certaines personnes qui ont des troubles de la mémoire – des malades d’Alzheimer par exemple – cela peut être une gageure. Pour lutter contre l’isolement, le Bistrot Mémoire est né en 2004, à Rennes. Depuis, le concept a plu et a essaimé : il y en a désormais une cinquantaine dans toute la France.
Trois membres du Bistrot Mémoire de Rennes nous en disent plus :
Christine Thiebault, ancienne présidente : « C’est un lieu où l’on n’est pas jugé »
« Le Bistrot Mémoire rennais a été créé en 2004, c’est le premier en France, et il se déroule tous les mercredis après-midis. L’objectif, c’est de permettre aux personnes malades de sortir de chez elles, dans un lieu où elles peuvent parler à leur rythme, où on ne les juge pas si elles parlent plus lentement, cherchent leurs mots ou s’arrêtent brusquement dans leurs phrases.
Pour cela, on a choisi un lieu ouvert sur la cité, où il y a du va et vient, un lieu « hors soin » : les personnes malades peuvent ainsi sortir avec leur conjoint ou la personne qui les accompagne. Certaines viennent seules, d’autres, qui ne sont pas malades, viennent profiter de moments de tranquillité quand la personne malade est en accueil de jour par exemple. »
Jacques Ferlicot, président : « Les Bistrots Mémoire s’adressent aussi aux aidants »
« C’est un complément à l’accompagnement médical. Le maintien dans la vie de la société est un élément important, qui retarde les effets de la maladie. Le principe, c’est que ça se passe dans un bistrot, en l’occurrence, à Rennes, aux Grands gamins, un café côtoyé par des « bobos » trentenaires ou quarantenaires. Il y a une psychologue et des bénévoles écoutants, et tout est anonyme. C’est important qu’il existe des endroits où on peut être bien avec d’autres, c’est très utile. D’ailleurs, il y a en moyenne entre 20 et 25 personnes chaque mercredi.
Les Bistrots Mémoire s’adressent aux aidants aussi, pour qu’ils puissent parler de leur ressenti. Je connais un monsieur qui vient tous les mercredis pendant qu’une aide soignante s’occupe de sa femme, pour se reposer. Il y a des temps de conversation libre et Justine Le Fourn, la psychologue, recherche aussi des intervenants : un.e psychomotricien.ne, un.e orthophoniste, un.e neurologue… La maire de Rennes est venue expliquer ce qu’est pour elle une ville inclusive aussi. On développe aussi le côté culturel. On a un partenariat avec le musée de la ville depuis déjà dix ans.
Tout cela fonctionne grâce au bénévolat. On constitue une équipe, ainsi, quand les personnes reviennent, elles retrouvent les mêmes visages. Les bénévoles ont une mini formation à l’écoute et on met en place des séances d’analyse de la pratique, animées par une psychologue extérieure.
Tout cela est fragile car nos financements ne sont pas pérennes.»
Samya Cidere, coordinatrice : « Alzheimer n’est pas une « maladie de vieux »»
« Nous formons aussi des acteurs de proximité : restaurateurs, écoliers, commerçants… On travaille ensemble sur les représentations des pathologies neurologiques évolutives. Par exemple, beaucoup de personnes pensent qu’Alzheimer est une « maladie de vieux », or elle ne concerne pas seulement les personnes âgées. Ou alors, on pense qu’il ne s’agit que de troubles de la mémoire, alors qu’il s’agit aussi de troubles du langage, ou de la motricité. Il faut aider les gens à repérer les signes pour qu’ils soient aidants à leur manière et que les personnes malades puissent continuer à aller à la piscine, à faire leurs courses…
Nous venons tout juste de sortir un logo que les restaurateurs par exemple peuvent coller sur leurs vitrines, pour montrer qu’ils ont été sensibilisés. Et ça aide tout le monde ! D’ailleurs, nous parlons de troubles de la mémoire plutôt que de maladie d’Alzheimer parce que les troubles de la mémoire peuvent être épisodiques, liés à l’avancée en âge, ou à la dépression par exemple. Un commerçant bienveillant qui aide à faire l’appoint, c’est bénéfique à tout le monde.
Ces sensibilisations sont animées par des personnes malades jeunes, entre 40 et 75 ans, qui sont des « ambassadeurs », car jusqu’à présent, ces ateliers étaient surtout menés par des psychologues, des soignants… Or nous voulons porter la parole des personnes concernées.
Enfin, outre le Bistrot Mémoire du mercredi, nous lançons le Bistrot Nomade, pour toucher des personnes que l’on ne voit pas en centre-ville, qui habitent dans des quartiers prioritaires par exemple.»
Vous êtes intéressés par les Bistrot Mémoire ? Il y en a peut-être un dans votre ville, pour le savoir, cliquez-ici : bistrot-memoire.com