Aller à un festival solidaire comme les Solidays, donner cinq euros par mois à une ONG via prélèvement automatique, signer un chèque pour une action qui nous tient à coeur : tout le monde a déjà expérimenté le plaisir de faire un don. Loin d’être à la marge du système, l’économie de la bonté constitue la septième puissance économique mondiale.
Si la générosité est plus structurée outre-Atlantique, notamment via les gigantesques « charity shows », ces concerts qui brassent des millions de dollars en faveur des organisations internationales, les Français ne sont pas en reste. Selon une étude de l’Observatoire France Générosités, en 2012, 87 % auraient fait un don, toutes natures confondues (argent, temps, sang), au cours des six derniers mois. Notons quand même que la crise pourrait toucher durement la fibre généreuse des donateurs puisque parmi les Français qui “donnent”, 22 % envisagent de ne plus le faire, 31 % prévoient de réduire le montant de leur don, alors que seuls 3 % souhaiteraient s’impliquer davantage. Mais le don est également un phénomène mondial et massif puisque l’agrégat de la générosité permettrait d’en faire la septième puissance économique de la planète, et que les dons augmentent de 35 % plus rapidement que les valeurs boursières.
Le don et la bonté : une arme « anti-déprime »
Le don, cette inclination à la gentillesse et à la bonté, peut donc être structurant pour la société, générer des emplois et une alternative durable et pensée au système lucratif. Jean-Michel Cornu, expert dans les nouvelles technologies, a consacré un ouvrage à la question (1). Pour lui, à la différence de l’échange, le don permet une régulation plus globale, “à un moment M”, et permet de mieux cerner ses besoins et ses excès. “Bien sûr, le don demande un mécanisme. Cela peut être un intermédiaire global, qui génère de la confiance, comme dans le cas du don du sang. Mais surtout, le don demande la certitude que le système fonctionne, que l’on n’est pas le seul à donner”, explique-t-il. Dans une économie en crise, le don et la bonté sont des anti-déprime : “ Un système collectif bien organisé crée du plaisir. C’est l’idée de la psychologie positive, totalement contre-intuitive pour ceux qui ne connaissent pas le plaisir du don : savoir qu’on n’est pas seul à donner améliore le moral ”, poursuit-il. Les relations familiales, les zones de gratuité, les associations : notre société est pétrie de gestes désintéressés. Si la crise peut générer de la peur, elle peut également inciter au partage et au lien social. “ Pourquoi ne pas favoriser le don dans la société, de la même façon que l’on a mis en avant la monnaie, il y a des siècles ? Il s’agit là d’un enjeu majeur ”, affirme Jean-Michel Cornu.
La bonté est loin d’être ringardisée
Yaële Aferiat, directrice de l’Association Française des Fundraisers, qui rassemble des professionnels de la collecte de fonds, souligne la complexité du milieu de la générosité : “ Il y a de plus en plus de cibles et de plus en plus d’outils. Il devient de plus en plus difficile de cloisonner le don et les autres comportements de la vie quotidienne. Le système économique est à repenser, avec une meilleure complémentarité des acteurs, publics ou privés. Avec un tel contexte économique, nous sommes à la croisée des chemins et l’on ne peut plus considérer la philanthropie comme une option ”. Si les causes de proximité ont le vent en poupe, c’est parce qu’elles sont considérées comme de véritables elixirs de félicité. “ Elles portent des valeurs refuge, ce sont des « dons talismans » qui permettent d’avoir une meilleure prise sur son environnement ”, détaille Yaële Aferiat. Et alors que les générations précédentes considéraient souvent le don comme un devoir et un impératif moral, les jeunes sont apparemment plus portés par l’envie, le plaisir et la liberté. Entre amélioration du quotidien et envie de changer le monde, la bonté est loin d’être ringardisée. Et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle.
(1) Tirer bénéfice du don : pour soi, pour la société, pour l’économie, FYP éditions, 2013.