Fausses informations et rumeurs sont des poisons qui envahissent notre vie. Nous pouvons essayer de lutter contre cette contagion.
Coralie, une mère de famille belge, est tuée par les CRS d’un tir de flash-ball dans la tête en pleine manif des gilets jaunes à Paris. L’info, appuyée par la vidéo d’un homme en pleurs et le récit d’un pseudo témoin, a aussitôt fait le tour des réseaux sociaux. Pendant un long week-end de janvier, indignations et condoléances se sont multipliées sur le net. Or, personne n’était mort. C’était une de ces « fake news », information fausse ou truquée. Ou encore, légende urbaine. Ou aussi, phénomène connu depuis tout temps : une rumeur.
Les fake news pullulent sur les réseaux sociaux : l’oreillette portée par Macron lors du débat présidentiel, la manif de réfugiés à Londres pour réclamer l’instauration de la charia, le pacte de Marrakech qui abolit les frontières, le traité d’Aix-la-Chapelle qui offre en secret l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne. Tout est faux. Mais tout traîne sur le net, abondamment commenté et relayé.
Alors, que croire ?
La diffusion de fausses nouvelles est un délit
Les médias traditionnels ne cessent de faire la chasse à ce mauvais souffle planétaire, spécialement dangereux en périodes électorales mises en danger par les idées complotistes : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Catalogne viennent d’en faire les frais.
Chez nous, Arte, France 2, Le Monde, Libé ou l’Obs, démontent régulièrement les fausses nouvelles. En vain. Les « fake news » sont particulièrement résistantes, en dépit de textes prévoyant des sanctions sévères. La loi de 1881 sur la presse les punit d’une amende de 45 000 euros, portée à 135 000 euros en cas d’atteinte au moral des armées. Le code électoral ajoute un an de prison et 15 000 euros d’amende pour ceux qui « à l’aide de fausses nouvelles » détournent les électeurs des urnes. Un troisième texte adopté en décembre 2018 vient de donner au juge des référés (juge de l’urgence) de plus larges pouvoirs encore. Mais tout cela semble bien inutile. Le procureur, apte à engager des poursuites, ne le fait pas, car il est extrêmement complexe de retrouver les auteurs dans les labyrinthes du net.
« Il ne faut surtout pas faire confiance à ses émotions »
Les « fake news » continuent donc de passer à travers toutes les barrières. Pourquoi ? Sur 20’, Guillaume Brossard, co-fondateur de Hoaxbuster.com, site spécialisé dans la vérification, a une bonne réponse: « Sur les réseaux sociaux, dès lors qu’on se trouve dans la conviction, l’émotion ou la réaction, on est à peu près sûr de se tromper. Il ne faut surtout pas faire confiance à ses émotions (…) Il faut fortement douter de tout ce qui cherche à déclencher une réaction plutôt qu’une réflexion. »
Campion-Vincent et Renard, cités par Hoaxbuster.com, et auteurs de plusieurs ouvrages sur les rumeurs, analysent leur nature profonde : « Elles sont toujours un miroir grossissant de nos peurs et de nos espoirs » : « La rumeur qui nous plaît et que l’on colportera est une information ou une histoire qui nous concerne, qui parle de nous, c’est-à-dire de nos désirs, de nos croyances, de nos préjugés ».
Nous pouvons tous quand même essayer de résister à l’envie de partager les émotions les plus viscérales :
- En cherchant d’où vient l’info : un anonyme, un inconnu, un bloggeur, un ami ou un membre de la famille : attention danger si c’est la seule source.
- En trouvant d’autres sources : vérifier l’info en cherchant confirmation auprès d’autres auteurs : sites officiels d’institutions reconnues, sites de chercheurs et d’experts donnant leurs références, interviews et analyses dans des publications et médias qui ont pignon sur rue.
- En lisant l’info jusqu’au bout : Les titres, les relances et les premières lignes de l’article sont souvent alléchants. Mais si l’info est fausse, la suite risque d’être bien moins convaincante. Et la lecture donne du temps à la réflexion, et au doute.
- En allant fouiner du côté de afp.com l’un des meilleurs sites pour débusquer les fake news, tenu par des journalistes de l’Agence France-Presse.