Date de publication : 02/01/2012
Prix : 10.90 €
Editeur : Le Pommier manifeste
De Michel Serres, nous n’avions pas beaucoup lu. Soyons honnête. Les Cinq sens, Le Gaucher boiteux, L’Incandescent, C’était mieux avant !, Éloge de la philosophie en langue française…, le choix est pourtant vaste.
A la mort du philosophe, en juin dernier, nous avons choisi Petite Poucette. Un petit livre, de 80 pages, qui se lit en un rien de temps et se glisse dans une valise à la veille du départ en vacances. Histoire de continuer à réfléchir un peu en cette période estivale.
Petite Poucette est le symbole d’une nouvelle génération. « Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né, pendant un intervalle bref, celui qui nous sépare des années 1970, écrit Michel Serres. Il ou elle n’a plus le même corps, la même espérance de vie, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde, ne vit plus dans la même nature, n’habite plus le même espace. » En cause, l’avènement du numérique et des nouvelles technologies. Cette révolution est similaire, en terme d’ampleur, à la naissance de l’écriture et de l’imprimerie, selon le philosophe. Elle bouleverse notre approche du savoir, notre cognition, nos comportements en société, etc.
« Reste à inventer de nouveaux liens. […] Comme un atome sans valence, Petite Poucette est toute nue. Nous adultes, n’avons inventé aucun lien social nouveau. […] Voici des jeunes gens auxquels nous prétendons dispenser de l’enseignement au sein de cadres datant d’une âge qu’ils ne reconnaissent plus : bâtiment, cours de récréation, salles de classe, amphithéâtres, campus, bibliothèque, laboratoire, savoirs même…, cadres datant, dis-je, d’un âge adapté à une ère où les hommes et le monde étaient ce qu’il ne sont plus. »
Michel Serres nous questionne alors sur le savoir. Que transmettre, à qui le transmettre et comment le transmettre, alors que les connaissances sont désormais accessibles en un clic, pour n’importe qui, de n’importe où, n’importe quand. D’une société verticale et cloisonnée, nous sommes passés à une société connectée. Et cette mutation demande de repenser nos modes de communication, d’apprentissage, d’enseignement et même de pensée. Une tâche dans laquelle nous avons échoué jusqu’à présent. Mais, pour le penseur, il est loin d’être trop tard.
Certaines ou certains regretteront peut-être que Michel Serres n’ait pas essayé de proposer des premières solutions. Mais la prise de conscience au travers des questions soulevées est déjà un grand pas.