1,4 million de souris ; 191 000 lapins ; 165 000 rats, près de 60 000 poulets, plus de 100 000 poissons, 4 100 primates… En tout, plus de deux millions d’animaux ont été utilisés à des fins scientifiques en France, en 2022. Environ 12 millions à l’échelle européenne.
L’expérimentation animale a certes permis de mettre au jour le vaccin contre la rage, ou encore les mécanismes de l’immunité innée (les modèles animaux ont été à l’origine de plus de 70 prix Nobel au cours de 150 dernières années). Mais d’autres découvertes, telles que l’aspirine, la pénicilline, le mécanisme de transmission du virus du Sida, les rayons X ou encore le circuit de la circulation sanguine et des groupes sanguins n’ont pas nécessité de recours à l’espèce animale.
Une lente évolution
De plus en plus de voix s’élèvent aujourd’hui contre le traitement réservé aux animaux dans les laboratoires. Alors ne pourrait-on pas se passer de ces expérimentations ?
La réglementation européenne encourage d’ailleurs à s’en détourner. Une directive datant de 2010 a introduit dans la loi le principe dit des « trois R » :
- remplacement (en utilisant des méthodes alternatives dès que possible)
- réduction (en diminuant au maximum le nombre d’animaux utilisés)
- raffinement (en améliorant les conditions de vie des animaux et en utilisant des méthodes d’expérimentation moins invasives)
Depuis 2013, les animaux ne sont par ailleurs plus utilisés pour la validation des cosmétiques. Et ces dix dernières années, l’OCDE a validé une vingtaine de méthodes alternatives pour tester la toxicité des substances.
Cependant, « la communauté scientifique est peu motivée par un remplacement de l’expérimentation animale par des méthodes alternatives », regrette Pro Anima, association militant en faveur de programmes de recherche innovants sans expérimentation animale. « Certaines méthodes de remplacement validées sont ignorées par les laboratoires qui favorisent l’utilisation animale. Cette routine du “tout test sur animaux” plombe les efforts demandés par la Directive. »
En recherche fondamentale ( soit 39 % des animaux utilisés) le remplacement apparaît encore complexe. Mais de manière générale, de nombreuses alternatives se sont développées ces dernières années.
Des alternatives à l’expérimentation animale
« Pour les remplacements “complets” d’animaux, on peut par exemple envisager des méthodes d’investigation passant par un dispositif in vitro faisant interagir des éléments biologiques comme les tissus, les cellules, les organites, les biomolécules, ou par un dispositif ex vivo constitué d’un organe bio-artificiel (aussi appelé organoïde) obtenu à partir de cultures de cellules-souches », indique le chercheur Jean-Stéphane Joly, sur le site du CNRS.
La biologie humaine peut aussi tirer parti de l’informatique : modélisation mathématique, micropuces à ADN permettant d’observer des milliers de gènes, logiciels adaptés à diverses études, simulations informatiques etc. peuvent être utilisés pour faire avancer la médecine sans recourir aux animaux. L’arrivée de l’Intelligence Artificielle fait naître l’idée de simuler le vivant pour expérimenter, grâce à des jumeaux numériques par exemple.
Le manque de fiabilité de certaines études basées sur l’expérimentation animale renforce cette lente évolution. Dans le cas des médicaments, plus de 90 % des molécules testées sur l’animal échouent en effet lors des essais cliniques sur les humains, affirme par exemple Pro Anima.