Fauteur de troubles dans les troupeaux mais espèce protégée en France et en Europe, le loup alimente les débats et cristallise les fantasmes. De retour en France depuis l’Italie, il pose problème aux éleveurs et l’Etat peine à trouver des solutions adéquates pour contenir ses attaques. Mon quotidien autrement démêle le vrai du faux en six questions chrono.
Accusé de faire « des ravages dans nos campagnes » pour le Figaro, alors que leur effectif a diminué en Savoie, selon France 3 région, pendant que La Croix s’inquiète de leur « changement d’attitude » et de leur recrudescence… Difficile de savoir à quoi s’en tenir ! Sur place, communes, autorités diverses et délégations locales s’organisent pour mieux les repérer, comprendre leur développement et mieux l’encadrer.
Les loups coûtent cher
VRAI. Au fur et à mesure des années, le bilan s’alourdit concernant les dégâts causés par les loups. Le nombre de victimes par an d’abord (des moutons à 95%) a été multiplié par 4,5 entre 2000 et 2013, année pendant laquelle on a recensé 6786 bêtes tuées. Les attaques gagnent également du terrain : le nombre de zones concernées est passé de 310 unités pastorales en 2008 à 450 en 2011. Face à la situation, le désarroi des éleveurs est grand.
Des mesures de protection et d’indemnisation ont été mises en place. Multipliées par 3 depuis 2004, elles ont atteint 2,5 M€ en 2014 (source). Cependant, Laurent Garde, directeur adjoint du CERPAM (Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée), estime que sur 120 bêtes mortes, 100 seront déclarées par les éleveurs et 80 seront indemnisées.
Les loups véhiculent d’autres problèmes qui sont plus difficilement quantifiables. Le stress des attaques peut causer des cas d’avortements sur les ovins, parfois dramatiques selon Hubert Germain, vétérinaire et spécialiste du problème. Et la multiplication des « patous », ces chiens de bergers, pour protéger les troupeaux entraînent l’augmentation de contamination des brebis par des bactéries auxquelles elles sont peu résistantes.
On peut savoir avec certitude qu’une attaque a été causée par un loup
NON. Les indemnisations ne sont pas faites au hasard. Dès qu’une suspicion d’attaque est signalée par un éleveur, une procédure basée sur la réalisation d’un constat systématique est effectuée et, après la conclusion technique « cause de mortalité liée à une prédation, responsabilité du loup non exclue », la victime est indemnisée. Autrement dit, on ne peut pas savoir à 100% si un mouton a été dévoré par un loup mais le processus d’indemnisation est assez souple pour qu’un éleveur reçoive quand même de l’argent en cas de suspicion.
Nous sommes envahis par les loups
FAUX. L’augmentation du nombre de loups est notable et régulière, mais elle n’est pas du tout exponentielle. En revanche, Laurent Garde note « une très forte recrudescence cette année » : « On estime ses effectifs à 300 adultes à la fin de l’été, soit 20 % de plus que l’an dernier, sans compter une centaine de louveteaux de l’année ». Les loups étaient présents dans un seul département en 1994. Ils ont aujourd’hui été observés dans trente, en présence régulière (une ou plusieurs meutes installées) comme en présence occasionnelle. Mais même au nombre de 400, c’est bien peu en comparaison des 14.000 individus présents à la fin du XVIII siècle !
Est-ce que ça veut dire qu’on en trouvera bientôt dans nos villes ?
NON. Le loup aime les bois et sous-bois. Faute de mieux, il s’installera en forêt. Cependant, le manque de nourriture peut l’amener à se rapprocher des villes comme c’est le cas en Espagne. Mais Alain Laurent, responsable du réseau loups-lynx dans le nord-est de la France se veut rassurant : « Le loup a besoin de bétail pour se nourrir et d’un endroit où s’installer, comme une vaste forêt ».
Le loup s’est introduit clandestinement en France
FAUX. Le loup a toujours existé en France. Il a même occupé 80% du territoire il y a quelques siècles. S’il a déserté la France (on a officialisé sa date de disparition en 1934), c’est parce qu’elle est devenue une terre d’accueil inhospitalière ! Forte présence humaine dans les campagnes, déforestation massive doublée de la diminution du gibier, ainsi qu’une chasse systématique ont fini par le tuer ou le faire fuir, en Italie par exemple. Mais en aucun cas, il ne s’agit d’une espèce exotique. Si aujourd’hui il est de retour, c’est grâce à une politique de protection européenne (convention de Berne) ainsi qu’à une reforestation rapide de son habitat. Le rapport de l’Assemblée Nationale de la Commission d’enquête sur les conditions de la présence du loup en France mentionne des preuves de tentatives d’introduction venant d’élevages domestiques. Mais ces loups inaccoutumés à leur milieu naturel n’auraient toutefois pas survécu.
J’ai le droit de tuer un loup
VRAI ET FAUX. Le plan national loup 2013-2017, adopté en février 2013, prévoit que 24 loups peuvent être tués chaque année. En réalité cette année, ils ont été à peine une dizaine. Ces tirs de « prélèvement » doivent être menés par des agents de l’ONCFS, assistés de lieutenants de louveterie, et avoir lieu seulement si les tirs d’effarouchement (menés à l’aide d’armes et de munitions non létales) et de défense ont échoué.