Chuut… Prenez un moment. Fermez les yeux. Ouvrez grand vos oreilles et écoutez. Qu’entendez-vous ? Le va-et-vient des voitures ? Le ronronnement de votre machine à laver ? Le piaillement des oiseaux ? La ventilation de votre ordinateur ? La voix des personnes qui vous entourent, peut-être ? Mais point de silence. Pas étonnant. Il est en voie disparition.
Chasseur de silence
Selon une étude de l’Ifop, réalisée en 2016, plus de 9 Français sur 10 estiment qu’ils sont exposés à un bruit excessif au quotidien. Seule une cinquantaine d’endroits dans le monde seraient encore réellement à l’abri du capharnaüm humain : une dizaine en Afrique, douze en Amérique du Nord. En France, pas un seul. Ce sont les conclusions du bioacousticien Gordon Hempton. Depuis 30 ans, cet Américain amoureux du silence fait la chasse à ces lieux.
Pour qu’un lieu soit déclaré silencieux, il faut qu’un être humain puisse y passer 15 minutes consécutives, sans entendre le moindre bruit anthropique (c’est-à-dire causé par l’homme). Sachant que notre ouïe, plus fine qu’elle n’en a l’air, peut détecter des sons à plus de 20 kilomètres à la ronde, la sélection est rude. « Si rien n’est fait pour préserver et protéger ces zones, le silence risque de disparaître dans les dix prochaines années », affirme Gordon Hempton, sur son site On square Inch of Silence.
Est-on vraiment fait pour le silence ?
Il existe tout de même des endroits où l’on peut rencontrer le silence, le vrai. On appelle cela des chambres anéchoïques. On en trouve dans les laboratoires de recherche en acoustique de la Nasa, d’Orfield Labs, ou encore en France, à l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam). Dans ces pièces, tapissées de matériaux absorbants, de mousses de polymère, de fibres de verre, on ne perçoit aucun bruit extérieur. Le niveau de son résiduel y atteint -9,4 décibels. C’est 300 fois moins que dans une chambre « normale ».
Dans ces pièces, on ne peut rester plus de 45 minutes, avant les hallucinations et l’évanouissement. « Vous n’avez plus de repères, il vous manque les indices perceptifs qui vous permettent de vous équilibrer et de manœuvrer. Si vous restez une demi-heure, vous devez être dans un fauteuil », déclare Steven Orfield, fondateur de l’une de ces chambres, dans les Laboratoires Orfield à Minneapolis, dans Science et Vie.
Pourquoi donc partir en quête de silence, si nous ne pouvons le supporter ? Un bruit continu trop élevé peut d’abord affecter nos capacités auditives. Il augmente notre niveau de stress, peut perturber notre sommeil, altérer nos facultés de concentration ou encore le bon fonctionnement de nos systèmes cardiovasculaire, digestif ou endocrinien selon certaines études. « Parce qu’il est de plus en plus rare, le silence devient une aspiration, une valeur qui ne cesse de s’affirmer. Il permet de retrouver la lenteur, et favorise le recul, la pensée, la réflexion. On se reconnecte à la beauté du monde et on s’y recharge », explique David Le Breton, anthropologue et sociologue auteur de plusieurs ouvrages sur le silence dans Marie-Claire. Le silence est un levier de régénération.
Alors, comment retrouver le silence ?
- Multipliez les échappées dans la nature. Vous n’y rencontrerez pas le silence absolu, mais pourrez faire un break des nuisances sonores de la ville et vous ressourcer en profitant des doux chants de la nature.
- Réservez-vous quelques minutes de silence dans la journée. Prenez par exemple votre petit-déjeuner sans parler. Ou accordez-vous un temps calme, le soir.
- Pour faire le silence autour de soi et retrouver son calme intérieur, la pratique de l’apnée peut être une bonne alternative.
- La méditation est aussi un bon moyen pour faire le vide et retrouver le silence intérieur.
- Les retraites en silence, dans les monastères, se développent de plus en plus. Il en existe un peu partout en France.
Sachez aussi qu’il existe des cartes de bruit dans de nombreuses grandes villes. Vous trouvez ici Paris, Lyon, Marseille.