Tous deux allergiques aux pollens, Jérôme Richard et Johann Lauthier, deux entrepreneurs d’Orléans, ont cofondé Lify Air en 2018, une solution globale de préventions des allergies aux pollens. Des capteurs disposés dans les villes peuvent renseigner les allergiques, en temps quasi-réel, du niveau de risque auquel ils sont exposés. Un moyen pour ces derniers d’adapter leur comportement et de réduire la prise d’antihistaminiques.
Les allergies sont un problème grandissant. Pouvez-vous nous en rappeler la cause ?
Jérôme Richard : Les allergies constituent aujourd’hui un problème de santé publique. Dans les années 1970, seuls 7 % de la population était allergique au pollen. Aujourd’hui, le phénomène touche 30 % de la population. Et l’OMS annonce 50 % de personnes allergiques à l’horizon 2050. Cet essor est principalement dû au changement climatique et à la hausse des températures qui prolongent la période des pollens. La pollution atmosphérique est également un facteur de croissance de la production de pollen.
Comment est né le projet Lify Air ?
Mon associé et moi-même sommes tous les deux allergiques aux pollens. Notre constat était le suivant : les informations polliniques à notre disposition ne nous permettaient pas de mettre en place des actions de prévention. A savoir, prendre des antihistaminiques au bon moment, ou éviter de sortir.
En France et dans le monde, il n’existait en effet pas de méthode de mesure des pollens en temps réel. Ces mesures étaient réalisées de manière hebdomadaire. Elles étaient exploitées durant le weekend. Et servaient à établir des prévisions pour la semaine suivante.
Ce décalage temporel était-il réellement problématique dans le cadre de la gestion des allergies ?
En réalité, il était peu gênant avant que le changement climatique ne vienne bouleverser le calendrier pollinique. Les pollens arrivent désormais plus tôt, sont présents plus tardivement, de façon plus irrégulière. La méthode utilisée jusqu’ici n’était plus efficace. Elle était même source d’erreurs.
Faute de prévision fiable, les personnes allergiques ont tendance à prendre leurs antihistaminiques du début à la fin de la saison des pollens. Mais la prise fréquente de ces médicaments peut entraîner un phénomène d’accoutumance, qui nécessite d’accroître les dosages pour obtenir le même effet. Par ailleurs, les antihistaminiques ont parfois des effets secondaires comme de la somnolence ou de la fatigue, dont les allergiques se passeraient volontiers.
Vous avez donc cherché à avoir une information beaucoup plus réactive. Comment vous y êtes-vous pris ?
Nous avons travaillé avec un laboratoire du CNRS à Orléans et avons découvert que la majorité des pollens allergisants avait sa propre signature lumineuse. Nous avons développé un capteur permettant de mesurer, puis de caractériser cette signature lumineuse.
Notre solution permet aujourd’hui de mesurer la quantité de pollen par mètre cube d’air et d’en déduire un niveau de risque (de vert à rouge) en fonction du risque allergisant de chaque type de pollen.
Concrètement, où avez-vous installé ces capteurs et comment délivrez-vous cette information aux personnes allergiques ?
Nous disposons d’environ 200 capteurs installés dans 50 collectivités. Nous avons développé une application gratuite Live Pollen qui, en vous géolocalisant, est capable de vous informer sur le niveau de risque autour de vous. A chacun de déterminer ensuite, en fonction de sa propre pathologie, les comportements à adopter (prendre un antihistaminique, éviter de sortir, porter un masque) en fonction du niveau de risque.